vendredi 29 août 2014

Taille Aux Renards 2007, rouge, Domaine du Chenoy, VDP des Jardins de Wallonie

Au premier nez, c'est très fumé. J'ai un peu l'impression d'être dans les bois. On vient d'y faire un feu de camp et il est éteint, il reste des odeurs de brindilles, de braises froides. Un peu de champignon aussi. Du cuir, un côté animal, gibier. Bon, dans les bois on trouve également des baies rouges à cueillir en général, mais elles sont absentes au programme. Disons que c'est l'hiver. Un nez un peu sombre, mais qui me fait vraiment penser à la grisaille belge. Je suis certainement influencé par le contexte et l'origine de ce vin, c'est évident. Mais il n'empêche que c'est criant de vérité. Il n'y a pas de maquillage ici.

En bouche, il y a une acidité très forte, à tel point qu'elle pourrait rebuter. A peine 2 grammes de sucre résiduel, à tout casser. Mais étonnamment, il y a du gras aussi. Les tannins sont d'une discrétion absolue, j'en déniche vraiment peu. Ce n'est pas costaud non plus niveau alcool, 11% peut-être. Le poivron vert m'apparait assez nettement en bouche, de quoi rajouter une dimension végétale à l'ensemble. Ça se boit sans danger. C'est un peu fuyant en fin de bouche, et la finale est relativement courte. Attendons un peu voir si du fruit daignerait apparaître... J'en doute cependant, ce vin a l'air déjà très mature après 7 ans et donc totalement prêt à boire.

J'ai eu la chance de rencontrer Mr. Philippe Grafé l'an dernier, lors d'une visite du domaine du Chenoy à Émines (province de Namur). Un homme passionné, volubile, toujours prêt à donner des explications sur son travail, qui a des idées et des convictions bien à lui, que ça plaise ou non. Il consacre aujourd'hui une grande partie de son temps... et de son argent à la conduite de son domaine d'une dizaine d'hectares qui est une sorte de laboratoire des cépages hybrides. Il s'agit de cépages créé via des croisements d'autres espèces pour donner un matériel résistant aux conditions rudes que nous connaissons dans les pays du nord de l'Europe. Le vin dont je vous parle est un assemblage fifty/fifty de Pinotin et de Cabertin. (Hum, à quand le cabotin?) Les millésimes après 2007 sont, je crois, davantage orientés Pinotin. Après la visite des vignes (quasi nues en mai 2013...), la visite du chai, j'ai trouvé la dégustation passionnante même si le groupe de personnes que nous suivions n'avait pas l'air convaincu par ce qui se trouvait dans leur verre. Pourtant, blancs, rouges, bulles, accord vin de liqueur/chocolat, les vins avaient tous quelque chose à raconter. La bouteille testée en famille le soir même n'a pas non plus suscité l'émerveillement (nous ne sommes pas assez chauvins, je vous dit). Ca manque peut-être de matière, de puissance, d'intensité, de soleil, que sais-je encore, mais ça a le mérite d'exister et moi j'aime. Nous ne ferons pas des copies d'Amarone ou des imitations de Saint-émilion en Wallonie, nous ferons du vin belge, tout simplement. Ce vin peut procurer beaucoup de plaisir, surtout au niveau aromatique, il faut juste prendre le temps d'aller le chercher et accepter de sortir de sa zone de confort et de ses habitudes.

Quatre heures plus tard, les divers arômes se sont un peu fondus l'un dans l'autre, pour laisser apparaître une légère pointe de cassis à l'aération. L'acidité est un tout petit peu moins prononcée, mais ça reste déséquilibré en sa faveur. Le vin se comporte toujours aussi bien le lendemain, je le trouve même plus aimable, le côté poivron voire piment doux faisant inévitablement penser au cabernet ressort joliment, jusqu'à rallonger quelque peu la finale. En résumé, mon conseil pour en tirer le maximum: ouvrez-le un soir, profitez de son nez directement, et buvez-le le lendemain avec votre repas de midi. Mes p'tits loups, le renard reprend du poil de la bête pour se tailler sa part du gâteau, oubliez les pommes "belettes"!

La meilleure façon de vous procurer une quille à 7,90 EUR est de vous déplacer jusqu'au domaine dont voici le site internet, on y trouve une mine d'informations et des détails sur les autres cuvées du Chenoy.
Sinon, vous pouvez aller faire un tour sur la boutique d'Oeno-Belgium, où vous trouverez les millésimes plus récents et pleins d'autres trésors du pays.

Dans un tout autre registre, je vous suggère le Pinot noir barrique d'Aldeneyck, bien plus cher mais très gourmand, magnifique en 2009!

Ma note globale: 78/100

jeudi 28 août 2014

Lalama 2009, rouge, Dominio do Bibei, Ribeira Sacra, Espagne

Je suis impatient de partager cette fantastique découverte avec vous. Il s'agit de ma première rencontre avec le cépage Mencía, et je peux vous assurer que ce ne sera pas la dernière! Bienvenue dans le nord-ouest de l'Espagne, et si c'est le cépage dominant des rouges de l'appellation Bierzo, c'est un peu plus loin en Galice que nous allons flâner aujourd'hui, au cœur de l'appellation Ribeira Sacra, créée en 1997. La croix en relief sur le muselet est un indice qui ne trompe pas, nous voilà bien en terre sainte. ;-)

Le Dominio do Bibei a démarré l'aventure en 2001 et compte aujourd'hui une quarantaine d'hectares de vignes, la plupart plantées en altitude, travaillées dans le respect de la nature, vendanges à la main, fermentation grâce aux levures indigènes. Le vin qui nous occupe a subi un élevage de 20 mois d'une part dans de grands foudres de 500 litres et d'autre part dans des fûts français de 300 litres. Les bouteilles sont ensuite conservées 18 mois avant d'être commercialisées. Il contient 90% de Mencía, 7% de Garnacha et 3% de Mouraton et Brancellao, obscurs cépages locaux.

Ça commence très fort d'entrée. Le nez est totalement captivant! Groseille, rhubarbe, framboise, sureau, à peine vaguement boisé, une parfaite maîtrise de l'élevage. Un bouquet aromatique très expressif, somptueux et capable d'arrêter le temps. On en oublierai presque de boire le nectar.

Presque parce que ça vaut le détour aussi en bouche. Belle trame acide tout du long, des tannins très doux qu'on perçoit avec un peu plus d'acuité en finale. Un vin vif et énergique, mais sans agressivité. J'ajouterai un côté végétal à la palette d'arômes de fruits, un des rares indices qui me détourne du pinot noir et qui se rapproche plutôt du cabernet franc. Parce que pour un novice tel que moi, c'est le piège parfait. J'ai l'impression d'être à Nuit-Saint-Georges et à Bourgueil en même temps. Même l'alcool est peu perceptible, on est loin des chaleureux vins de la Rioja par exemple. On est sur 12,5%, 13 tout au plus. C'est donc très aisé à boire. La finale est cependant un peu courte, toujours assez baies rouges, sans amertume particulière. C'est la seule petite ombre au tableau... un nuage blanc, disons. C'est simplement que j'aimerais qu'une telle merveille soit au top à tous niveaux. Mais il faut mentionner que j'ai apporté ce vin à un repas et que je n'ai pas pu le tester dans les conditions habituelles, peut-être que le discours de cette bombe galicienne se serait complexifié encore davantage avec quelques heures d'aération. Très agréable aujourd'hui, sa structure ne devrait pas craindre quelques années de garde non plus. Je ne peux que vous le recommander, surtout si vous aimez piéger vos amis qui envisagerons à coup sûr la piste bourguignonne ou ligérienne avant de penser à l'Espagne.

Il me reste deux autres vins de ce domaine à découvrir, un rouge 100% Mencía, ainsi qu'un blanc 100% Godello. Je pense que vous n'aurez pas à attendre trop longtemps avant que je ne m'y colle!

Vous pouvez vous procurer ce vin notamment chez Grand Cru Wijnen, une boutique basée aux Pays-Bas mais qui offre des frais de ports plus que raisonnables pour les Belges (certaines boutiques en ligne chez nous facturent le double pour le transport!). Vaste choix, service rapide, ue du bonheur.

Ma note globale: 94/100

lundi 25 août 2014

Château de Cruzeau 2005, rouge, Vignobles André Lurton, Pessac-Léognan

Ce qui est chouette quand vous ajoutez un an de plus au compteur, et que vos proches sont au courant que le vin est une religion pour vous, c'est que vous recevez probablement quelques nouveaux flacons à découvrir, et pas forcément ceux que vous auriez eu l'idée d'essayer vous-même. Une belle occasion d'élargir ses horizons ou de tordre le coup à ses préjugés... ou pas!

Cette bouteille m'a été offerte l'an dernier. Je vous emmène cette fois au cœur des vignobles André Lurton, au château de Cruzeau au sud de Pessac-Léognan. André Lurton, c'est du lourd en terme d'organisation. Une production de l'ordre de 4 millions de cols chaque année, deux cents personnes employées, une dizaine de domaines qui s'étendent sur 600 hectares, principalement en Entre-Deux-Mers (château Bonnet par exemple) et dans les Graves, en appellation Pessac-Léognan (citons le renommé Château La Louvière). Appellation encore assez récente puisqu'elle date de 1987, qui propose d'excellents vins blancs en sus des rouges, et c'est précisément André Lurton qui a joué un rôle important dans sa reconnaissance en tant qu'AOC. Un groupe viticole puissant donc, mais avec une grande expérience et fondé par un vigneron qui est toujours président de sa société, à 90 ans!



En terme d'assemblage, c'est assez régulier chaque année avec du cabernet sauvignon majoritaire à 55%, 43% de merlot et quelques larmes de cabernet franc.

A l'ouverture, le vin est un peu austère. Le nez est très classique Bordeaux, dominé par des arômes secondaires, un boisé très bien intégré, peu de fruits. En bouche, et via la rétro-olfaction, je découvre des notes de cire, de bougie. L'attaque est douce, l'acidité est très modérée, les tanins sont discrets, on ressent peu l'alcool. Un bel équilibre donc en terme de structure, mais l'ensemble est timide. La finale est déjà longue, sur des notes lactées. Un vin très bien fait mais un peu ennuyeux en l'état quand il est bu pour lui-même. Je croise les doigts pour que ce ne soit qu'un engourdissement après cette longue mise en veille en bouteille...

Et comme vous le savez si vous me lisez depuis que ce blog existe, le temps est mon ami. Et sa magie a encore opéré, ce coup-ci. Après 5-6 heures d'attente durant lesquelles j'ai laissé la bouteille gentiment ouverte, (je préfère cette méthode oxygénatoire que je trouve plus douce que la carafe), ce Pessac s'est révélé totalement. Au niveau aromatique, les fruits sont arrivés pour compléter la palette évoquée ci-dessus, des fruits noirs et un peu de cerise. Un soupçon de notes de fourrures animales ou de cuir par moment, de la réglisse à d'autres. En bouche, tout est resté en équilibre, mais en s'élevant d'un cran. J'ai mieux perçu l'acidité, les tannins se sont un peu éveillés, davantage de gourmandise et de profondeur au programme. Aucune verdeur à signaler. J'ai l'impression qu'il y a une grande maîtrise dans l'élaboration de ce Cruzeau, de la récolte à l'élevage. En même temps, Lurton est tout sauf un débutant! Toutefois, si j'avais dû localiser ce cru à l'aveugle, je serais plutôt parti sur la rive droite plutôt que sur la rive gauche, mais cet exercice est vraiment périlleux et j'espère m'améliorer à ce jeu d'ici un siècle ou deux!



Je ne déborde pas d'enthousiasme, mais je suis tout de même très agréablement surpris, et, je l'avoue, soulagé, de constater cette nette amélioration. Ce vin est donc bien un digne représentant de son appellation. Il me semble totalement prêt à boire si on prend la peine de l'aérer, neuf ans au compteur tout de même, mais il devrait rester à son apogée au moins 2-3 ans, et procurer encore un certain plaisir d'ici 10 ans, d'après ma maigre expérience en matière d'anciens millésimes bordelais.

Je vous laisse avec une première piste, le site officiel des vignobles Lurton. Je n'ai malheureusement pas de boutique en Belgique à vous suggérer pour acheter ce Cruzeau. A part peut-être Le Palais du Vin, qui semble être le distributeur officiel chez nous, mais qui est davantage réservé aux professionnels plutôt qu'aux particuliers.
Si vous en trouvez, faites-le moi savoir et j'ajouterai l'info à cet article.

Ma note globale: J'étais parti sur un 81 en début de dégustation pour souligner le savoir-faire derrière ce vin malgré ma frustration, mais je vais grimper jusqu'à 87/100. Ce n'est pas encore aujourd'hui que je ferai du "Bordeaux bashing..." ;-)