jeudi 8 octobre 2015

Foire aux vins Cora 2015: mes treize coups de coeur

Après une petite dégustation malheureusement pas très convaincante au Delhaize verviétois vendredi (bon, si vous insistez, je vous filerai un ou deux tuyaux mais je n'en ai pas plus...), j'avais un meilleur feeling concernant la sacro-sainte dégustation Cora, à Rocourt, dimanche dernier, veille de l'ouverture de leur foire aux vins proprement dite avec des promos à gogo pas que pour ceux du même nom. Et je n'ai pas été déçu! C'est en tout cas une très belle organisation bien huilée, le catalogue des vins proposés lors de cette dégustation téléchargeable à l'avance permet de préparer son itinéraire tranquillement avant le jour J, mais cela reste malgré tout un vrai concours contre la montre. 250 vins disponibles, un monde de dingue, et 2H30 pour faire le tour, pas une minute de plus. Dommage. J'avais réduit les effectifs au tiers, mais j'ai manqué de temps pour les régions du Rhône, de Bourgogne et d'Alsace. Les satisfactions n'ont pas manqué ailleurs, et de nombreux vignerons ou représentants des domaines étaient disposés à parler de leurs cuvées malgré la foule. Je n'avais pas le temps de prendre des notes détaillées donc je ne décrirai que très vaguement les vins ci-dessous, mais je ne partage avec vous que ceux qui sortent clairement du lot. Bref, entrons dans le vif du sujet! On peut commander les vins suivants en ligne sur Corawine mais avec obligation d'en acheter 6 minimum, il est donc préférable d'aller se fournir sur place, à condition qu'il en reste...

1. Le domaine Fabrègues en Languedoc: J'ai adoré les rouges: Le Mas 2012 à 6,29 EUR, aux arômes de cassis et ses tanins souples, mais surtout La Villa 2012 à 7,99 EUR, encore plus fin et velouté. Des rapports qualité/prix comme je les aime dans cette région.

2. Le Clos des Clapisses: J'ai retenu le Clos des Clapisses blanc 2014 à 7,99 EUR, Coteaux du Salagou, léger, frais et surprenant. La fiche conseille une dégustation à 7°C, c'est trop bas... je vous met les glaçons, en plus?

3. Les Vignerons de Buzet (Sud-Ouest): Baron d'Albret blanc 2014 à 4,55 EUR.
Sauvignon et Sémillon, un grand classique qui ne m'a pas laissé de marbre, doux pour le porte-monnaie.
L'Intact rouge 2014 à 4,99 EUR ne m'a pas époustouflé mais c'est bien fait, sur le fruit, et sans sulfites ajoutés, ça mérite d'être souligné.

4. Château Beauregard 2012 Pomerol à 29,99 EUR: Je n'ai pas à vous présenter celle-ci, juste vous dire que c'est une grande bouteille. Si vous en avez les moyens, ne vous privez surtout pas, c'est vraiment joli.

5. Château Grand Mayne 2012 Saint-Emilion GCC à 30,99 EUR: Idem! C'est pas donné, mais c'est mon favori de ce dimanche en rouge. Tout ce qu'on attend d'un Saint-Emilion, avec une profondeur impressionante. 2012 me plait décidément beaucoup à Bordeaux, j'y trouve même souvent plus de satisfaction qu'avec les 2010. Si j'étais Parker, j'en ferais bien mon 1982...

6. Château Branas-Grand-Poujeaux 2012 Moulis-en-Médoc à 24,59 EUR: C'est son expressivité qui m'a plu, un peu de floral et de végétal ajoutant à sa complexité, et une finale très longue. Il m'a bien plus marqué que le Château Villemaurine 2012 à la même table coté à 32,50 EUR, preuve s'il en est encore besoin que le prix ne fait pas tout...

7. Château La Louvière blanc 2012, Pessac-Léognan à 19,99 EUR. Bon, ça c'est la bouteille du jour, rouge et blanc confondus. Il y a pas mal de jolis Pessac blancs proposés chez Cora (Le Château Baret est un excellent rapport q/P, le Château Olivier est sympa mais plus cher, le Château de Rouillac étant le seul qui ne m'a pas convaincu). Mais ce La Louvière est, à mon goût, hors compétition. Nez somptueux, bouche structurée, un vin très complet qui ne craint pas les années (je suis toujours sous le charme d'un 1998 dégusté il y a quelques mois). J'en veux!

8. Château Kirwan 2012, Margaux 3eGCC à 32,99 EUR. Si il semble un peu racoleur au premier abord avec son boisé coco au nez, on se rend vite compte en bouche que ce vin a énormément à offrir à présent mais qu'il en donnera bien davantage si on lui laisse quelques années pour digérer son élevage. La finale est interminable. En terme de troisième GCC, je le préfère aisément à Giscours.

9. Greco Bianco 2014, Ciro DOC, Ippolito 1845 à 5,49 EUR. Quittons la luxure bordelaise pour l'Italie. Franchement, à ce prix-là, c'est pas mal. Un blanc de Calabre plutôt fruité, qui démarre pourtant par un petit creux en bouche mais qui propose une finale de longueur surprenante. Le vin rouge de ce producteur a également retenu mon attention pour son côté sombre et son caractère affirmé.

10. Fiorenza 2013, Barbera d'Alba, Paolo Manzone à 6,99 EUR. C'est un peu le seul vin qui m'a attiré dans la gamme Manzone, à vrai dire, pour son nez très original de baies rouges et pour la bouche tonique et souple liée à ce cépage. J'attendais beaucoup du Roero Arneis blanc que j'ai trouvé trop suave et lourd, le Barbaresco était assez maigre et astringeant tandis que le Barolo était honorable pour le prix mais bien loin de la richesse qu'on trouve chez ces grands colosses du Piémont.

11. Casajus Vendimia seleccionada 2012, Ribera del Duero, Bodegas J.A.Calvo à 12,99. Un Tempranillo espagnol "old school" avec des notes de myrtille et de bois noble, la bouche est structurée et la finale est très longue. Excellent!

12. Quinta do Cardo 2012, Touriga National Reserva à 9,45. Un petit ovni assurément, c'est gorgé de soleil, c'est un peu sirupeux parce qu'il reste à mon avis une petite dizaine de grammes de sucres résiduels, le boisé va se fondre avec le temps et la structure tannique est bien affirmée. Un vin à oublier 7-8 ans au fond de la cave qui pourrait nous étonner. Disons que c'est le joker de la sélection.

13. Saviatiano blanc 2014, Mylonas, IGP Attiki à 8,49 EUR. Un blanc sec et grec pour terminer ce petit voyage, très satisfaisant, je le tenterai bien pour accompagner mes prochaines moules!

Ca y est, à vous de jouer!

mercredi 12 août 2015

Kayra Vintage Okuzgozu Single Vineyard 2010, rouge, Daniel O'Donnell, Turquie

(dégustation aux environs du 20 mars, en lien avec un autre vin de ce cépage évoqué précédemment sur ce blog.)

Une multitude de signes extérieurs semblent démontrer un niveau plus élevé sur cette cuvée que l'on pourrait qualifier de parcellaire, en tout cas elle provient d'un seul vignoble alors que les cuvées de base de ces producteurs conséquents sont généralement le résultat d'assemblages de leurs divers sites de production. 12.000 cols sur le marché, bouteille plus massive, bouchon un poil plus long, étiquette travaillée, prix doublé... poudre aux yeux ou réelle implication? La réponse dans le verre!

Le premier nez est très boisé. Et là il y a du vut nouveau, ça ne fait aucun doute. Je capte un soupçon de truffe, et la gamme épicée que j'avais rencontré dans le premier vin est ici plus nette, plus franche. Les fruits noirs sont tapis dans l'ombre, une forte agitation les trahira, mais au contraire du 2012 je suis presque certain qu'ils vont se dérider au fil du temps.
En bouche, je retrouve des sensations similaires avec une acidité avenante, un alcool toujours aussi bien intégré malgré le degré supplémentaire affiché (14%), c'est par contre bien plus tannique. Un beau grain, toutefois. Pour rester dans le cliché italien, celui-ci est plutôt en mode super-toscan. Bien plus costaud tout en gardant ce côté enjoué qui est, je pense, la signature de l'okuzgozu. La cerise fait son show de manière un peu plus affirmée en rétro vers la fin de bouche.
La finale est d'une longueur épatante (merci le bois).

Quelques heures d'attente vont le libérer totalement. Le nez s'offre sans consession, il est tonitruant sur un mélange de fruits entre framboises et myrtilles séchées. En bouche, les adjectifs anglais "full-bodied" et "chewy" semblent convenir à la perfection. En effet, c'est assez massif, beaucoup de matière qu'on a presque l'impression de pouvoir croquer. Je crois qu'on est clairement ici sur un vin de "winemaker", de cave et d'élevage plutôt que sur un vin purement de terroir, bien que la qualité du raisin y soit pour quelque chose. Il y a de la place dans mon coeur pour ce genre de vins aussi, tant que le dit winemaker ne sévit pas aux quatre coins de la planète et que son style a une véritable personnalité, ce qui est évidemment le cas avec cet Öküzgözü.

On a ici un potentiel de garde bien plus important, on pourrait probablement se laisser surprenddre en proposant ce 2010 dans 7 à 8 ans. Aux environs de 24 euros, c'est une bien belle affaire malgré tout, il faudra débourser double à triple dans les régions prisées pour un niveau équivalent.

Ma note globale: 92/100

Charles Cicéron Sauvignon Blanc 2009, domaines Auriol, IGP Pays d'Oc

(Dégustation aux environs du premier juillet)

Un petit blanc pas compliqué pour se raffraîchir en cette période ultra-ensoleillée que nous connaissons en ce début d'été? Cette bouteille a rempli le contrat, mais pas que, parce qu'elle va s'avérer plus complète. Les blancs secs de Gascogne me plaisent mieux en général dans ces circonstances, mais puisqu'il faut sans cesse élargir ses horizons...

Il s'agit d'une cuvée "plaisir" proposée par les domaines Auriol, une sorte de regroupement de domaines familiaux basés dans le Languedoc et le Rhône Méridional. Production, négoce, c'est un ensemble dynamique qui pèse aisément pour 10 millions de cols par an, avec une forte tendance à l'export, ce qui devrait vous faciliter la vie pour trouver cette référence contrairement à certaines micro-cuvées que je vous ai présenté ici. La propriété qui nous occupe plus particulièrement aujourd'hui, c'est le château Cicéron.

Ce qui m'a plu au-delà du vin en lui-même, c'est la relative transparence sur l'élaboration de ce mono-cépage en Pays d'Oc. Site web clair et précis, qui indique notamment que les rendements sont de l'ordre de 70 hl/ha tout de même ou qu'un ajout de levures peut avoir lieu pour faciliter l'extraction des composants aromatiques lors de la vinification. Pas d'élevage sous bois non plus pour cette gamme de vins "plaisir". Les propriétaires conseillent également de boire ce vin dans l'année qui suit la mise en bouteille. Ce serait trop simple, cependant... Voyons plutôt si cette quille en a encore dans le ventre après six ans!

La réponse est un franc oui, merci probablement à la capsule à vis. On a toujours une pointe d'agrumes au premier nez, mais à l'agitation je retrouve surtout des fruits plus exotiques et tropicaux, la mangue notamment, ainsi que de fugaces notes minérales type pierre chauffée au soleil. Pas spécialement de bourgeon de cassis ou de notes végétales comme on pourrait s'attendre à en trouver dans les sauvignons de Loire, par exemple. La bouche offre un très léger perlant, ce qui compense une acidité un poil faible, un joli gras en milieu de bouche et la finale est de longueur correcte, avec toutefois quelque chose qui me perturbe autour de l'alcool, non que ce soit un vin costaud, que du contraire, mais l'impression qu'il a tout de même un peu de mal à se fondre dans le décor, ce qui, si on est un brin maniaque, gâche quelque peu l'harmonie finale. C'est toutefois loin d'être un vin dilué, et sa tenue en bouteille dans le temps m'a agréablement surpris, c'est ce qui m'a amené à vous en parler. Sans en faire des tonnes, ce jus se laisse boire tranquillement pour lui-même en terrasse, sans pousser à la grimace, ne boudons pas ces petits plaisirs de la vie! Aux alentours de 5 euros, c'est raisonnable, et un millésime plus récent devrait proposer une pointe de fraîcheur supplémentaire.

Pour terminer, quelques mots sur le fond de la bouteille deux jours plus tard après avoir été revissée et mise au fridge: Le perlant est affaire du passé, le nez est plus timide mais sans trace d'oxydation, une bonne part du fruit s'en est allé, seul le citron fait de la résistance, laissant plus de place aux accents minéraux, la finale est plus saline. Peut-être moins de plaisir immédiat, mais je le trouve plus épuré, je me sens plus en phase avec le cépage, il a toujours une tenue qui me surprend, il accompagnerait mieux les crustacés en l'état que sous sa forme initiale. La capsule à vis marque encore des points en ce qui me concerne.

Ma note globale: 83/100

Trévallon 2004, rouge, Eloi Dürrbach, VDP des Bouches-du-Rhône

(Dégustation entamée aux alentours du 2 juillet)

Quel amateur de vin un tant soit peu curieux n'a pas, sinon goûté, au moins entendu parler de Trévallon? Des vins qui ont forcé le respect et l'admiration de tous sans succomber aux sirènes d'une appellation d'origine contrôlée. Je n'ai pas besoin de présenter ce temple du cabernet sauvignon en Provence, surtout que le site officiel en est un merveilleux porte-parole. J'y ai enfin goûté, et c'est le millésime 2004 que je me suis offert. A l'ouverture, le vin est d'une extrême jeunesse encore, épatant. L'élevage a eu le temps de se fondre sans doute, mais il est très peu perceptible. Au nez, on a cette complexité qui s'offre sans se cacher que j'aime tant dans les vins des Baux de Provence. Beaucoup d'épices, un peu de végétal, de mine de crayon, une pointe de fruits sauvages également, encore fort discrète à ce stade. Les notes florales sont par contre très évidentes, à dominante suave mais je ne peux pas placer un mot dessus. C'est sophistiqué, sans être exubérant, j'aime beaucoup. En bouche, la première chose qui m'interpelle c'est cette acidité vive et soutenue, que j'ai rarement rencontré dans ces contrées. Elle soutient le vin de manière dynamique mais sans agressivité. Ensuite arrivent des tanins qui sont plutôt fins, mais encore assez serrés à ce stade, ce qui rend le jus un poil astringeant lorsqu'il est bu seul. Et cela après une dizaine d'années, rendez-vous compte. Ce n'est pas une légende, ce rouge est un chef de file en terme de vin de garde. L'alcool est quant à lui merveilleusement intégré, je n'y ai quasi jamais pensé tout au long de la dégustation.
Le lendemain, non seulement le nectar n'a rien perdu, mais il est bien meilleur! Les fruits noirs sauvages sont maintenant plus dominants ce qui renforce le cocktail olfactif, les épices dévoilent davantage de muscade ce qui n'est pas courant, et les tanins se sont déliés, pour donner une bouche fluide et veloutée. La finale est d'une beauté renversante, très persistante au cours de laquelle les différents arômes se croisent. Même si c'est 50% syrah, 50% Cabernet Sauvignon, j'ai plutôt l'impression que le second prend les commandes, la Syrah jouant le rôle d'accompagnateur en retrait. C'est un très beau vin, travaillé de main de maître, qui vaut son pesant de cacahuètes. Et il faudra en aligner quelques-unes tout de même, ces flacons pouvant atteindre 40, 45 euros, ils ont tendance à prendre de la valeur avec l'âge, donc si vous avez une très bonne cave et que vous vous sentez l'âme d'un investisseur, ne négligez pas cette merveille, en sachant que vous en tirerez bien plus de plaisir en le sirotant. Ce 2004 devrait se livrer totalement d'ici 5 à 6 ans probablement. En tout cas, la flamme n'est pas prête de s'éteindre. J'ai passé un très bon moment, et je pense que mon bonheur aurait été complet si j'avais ressenti un peu plus de tonus, d'énergie en bouche. Cette bouteille, en tout cas sur ce millésime, joue davantage la carte de la finesse, et il en faut!

Ma note globale: 93/100

lundi 10 août 2015

Résurrection!

Non, je ne vous ai pas oubliés... loin de là! Mais voilà une éternité que j'étais dans l'impossibilité de poster mes articles. Tout d'abord parce que je suis parti vadrouiller en Italie, en Toscane et dans la Valtellina. J'ai évidemment visité des domaines là-bas et ramené quelques bouteilles que je vous présenterai ici. Au retour de ce magnifique voyage, mon afficheur braille a rendu l'âme, et sa réparation a pris un temps infini. Je viens à peine de le récupérer la semaine dernière. Le temps de remettre un peu d'ordres dans mes notes, et je reposterai au fur et à mesure mes impression sur les vins dégustés ces derniers mois. Désolé pour cette interruption, je vous donne rendez-vous mercredi, nous parlerons un peu de Trévalon histoire de marquer le coup pour la reprise.

lundi 23 mars 2015

Chateau Canon 1994, rouge, 1er GCC Saint-Émilion, Bordeaux

Alors que la grande comédie des primeurs 2014 à Bordeaux vient de débuter, je vous propose un petit saut dans le temps avec ce Château Canon 1994, l'un des derniers millésimes produit sous l'aire de la famille Fournier avant la reprise de ce domaine par la maison Chanel.
Un peu d'argile, de terre mouillée. Un peu de poivron. Des bouts de mine de
crayon. Une botte de percil? Beaucoup de tabac. Une impression fruitée
(fraise). Des effluves boisés par intermitence. C'est une belle palette parfumée qui se présente aussi bien au
nez qu'en rétro-olfaction. Ni timide ni exubérante, elle se livre sans
détours et à volume idéal. En bouche, c'est assez impressionant. L'attaque
est vive, trame acide et énergique que des tanins nombreux mais très fins
viennent soutenir. L'alcool est bien présent en sachant qu'il réchauffe la
gorge au finish, mais cela ne perturbe en rien l'équilibre de ce vin, au
contraire. C'est évolué, mais puissant. Finale très longue au creu d'une
boîte à cigares. Les gorgées s'enchainent irrésistiblement. Un régal. Je
perçois une grande concentration encore aujourd'hui, je me demande bien
comment ça ressortait dans les premières années. Etait-ce une bombe
fruitée? Ou était-ce too much et boisé? Je ne peux que me concentrer sur le
présent, et c'est déjà merveilleux d'avoir cette chance!

Il est temps, sinon urgent de le boire, me semble-t-il. Le seul verre que je me suis gardé pour le lendemain était moins enchanteur.

Ma note globale: 89/100

mardi 17 mars 2015

Kayra Öküzgözü 2012, rouge, Daniel O'Donnell, Turquie

La Turquie, encore et toujours. Après m'être vautré avec volupté dans le Narince, je vous invite à plonger au coeur de quelques vins rouges à base de cépages "maison". Retournons d'abord dans les chais de Kayra, pour comparer deux vins à base d'Öküzgözü. Si le premier est le résultat d'un assemblage de diverses parcelles, le second provient d'un seul vignoble, le prix allant du simple au double. C'est parti, débouchons le Kayra Öküzgözü 2012!

Au top départ, le vin se révèle assez timoré. Au nez, vanille et caramel se présentent, signe d'un élevage un poil trop appuyé mais pas dans des fûts neufs, à mon avis, et peut-être pas français, non plus (la fiche technique sur le site du domaine n'est pas claire à ce sujet: 10% de fûts neufs, pendant 10 mois, oui mais le reste?). Donc ça donne une aromatique de faible intensité dans laquelle je cherche un peu en vain l'apport de la matière et du cépage. En bouche, c'est plus réjouissant, un peu de fruit rouge daigne se pointer en rétro-olfaction, on a une belle acidité, un alcool faible (13% très bien gérés) et des tanins plutôt bien fondus, ce qui donne un ensemble léger et gouleyant. La finale est d'une assez bonne longueur, toujours sur le duo caramel/vanille. Si la gamme d'arômes se livre davantage après quelques heures de repos, on aura un joli vin. Sinon... bref, y'a plus qu'à patienter!

Pas d'améliorations significatives à mes narines après 6 heures, quelques ajustements tout au plus. La vanille s'efface un peu au profit d'une ou deux petites cerises. La bouche, par contre, a encore gagné en volume et en profondeur et offre un touché enthousiasmant. La trame acide porte agréablement le vin qui révèle bien plus de caractère qu'au départ. Puisque je manque de repère avec ce cépage, j'aurais tendance à comparer cette structure tonique à un Chianti Classico bien né. En rétro, je perçois des épices et une sorte de côté floral du style violette, mais ce n'est pas exactement ça, je n'ai pas d'autre terme qui me vient à l'esprit. Et à part cette pointe de cerise, pas d'autres fruits à signaler non plus. Si la structure m'oriente vers la Toscane, l'aromatique épicée fait plutôt référence à des crus Languedociens tels Saint-Chinian. En l'état, ça reste très agréable à boire, c'est salivant, sapide devrais-je dire, la vivacité de ce vin devrait faire écho sur une belle viande un peu persillée. Pour la complexité des parfums, gageons que l'Öküzgözü suivant répondra à l'appel, la démarche étant un peu plus poussée. Satisfaisant pour un vin avoisinant les 12 euros!

Ma note globale: 85/100

vendredi 13 mars 2015

Le Feu 2012, Gringet, blanc, domaine Belluard, Savoie

Partons ensemble à la chasse aux trésors cachés, dans une région de France trop souvent oubliée lorsque nous évoquons nos coups de coeurs bachiques, j'ai nommé la Haute-Savoie! On y trouve toute une panoplie de cépages, dont certaines dénominations géographiques s'en font une spécialité. Or la bouteille du jour vient d'Ayse, et c'est 100% Gringet. D'après les informations recueillies sur le site du domaine Belluard très fourni dont je vous recommande la visite, il n'y aurait que 22 hectares de cette variété en production aujourd'hui, la maison en possède 10. On y suit la philosophie de la biodynamie, et l'élevage de cette cuvée parcellaire "Le Feu" s'effectue dans des oeufs en béton.

Le nez est très changeant dans les premières minutes, signe d'une complexité indéniable et probablement d'un beau potentiel d'évolution. Si ma première impression est florale et originale (dans le sens unique à ce vin blanc), je parviens à définir peu à peu un registre d'agrumes (citron vert, cédrat), pin, verveine, c'est très frais et captivant. La Corse me vient en tête, allez savoir pourquoi. La bouche propose une attaque acidulée bien nette, mais on bascule vers un gras assez intense également, il est rare de trouver une telle dualité dans la structure, à part dans les très grands blancs élevés en barriques mais tout ça sans aucune sucrosité ou suavité. Les arômes se substituent également au cours de l'agitation et au fur et à mesure de la gorgée, la pomme et la pèche prennent le pas sur les agrumes, et la finale est longue sur des notes de noisettes voire d'amandes, mais aussi sur du très beau raisin blanc. Un nectar qui offre beaucoup de caractère, un vrai goût de "revenez-y". Un vin impressionnant pris tel quel et qui doit marquer les esprits lors d'une dégustation à l'aveugle, en tout cas je vais exécuter ce test prochainement sur le millésime 2013, mais il me semble indispensable de connaître sa genèse (Savoie, cépage ultra-rare, élevage moderne...) pour en saisir pleinement l'essence, ça donne d'autant plus de prestance et de noblesse au jus.

Entre 25 et 30 euros la quille, ce n'est pas cadeau, mais vous risquez fortement d'aimer! J'ai bien envie de déguster le mousseux produit aussi au domaine Belluard avec le Gringet.

Tentez le coup chez le sympathique et multilingue Mark Longin de Proef de Passie, ils en sont à ce jour au 2013.

Ma note globale: 94/100

Ode au Narince (3/3): Vinkara Narince 2013, blanc, Turquie

Le tournant est majestueusement négocié, les amis. Voici assurément le plus "Narince" des trois vins dégustés, et cela ne me surprend pas outre mesure tant ce domaine me semble à surveiller de près. Le projet est assez récent mais vaste, fondé en 2003, première mise en bouteille en 2009. Ils se sont établi dans la région de Kalecik, au nord-est d'Ankara. . Ils ont d'ailleurs eu l'audace de produire une bulle très convenable à partir d'un cépage rouge local, le Kalecik Karası, bouteille ouverte pour la Saint-Valentin, je vous en toucherai un mot plus tard. Concentrons-nous plutôt pour l'heure sur cette bouteille, au nez qui ne ressemble pour une fois pas à grand chose d'autre. C'est très floral, l'impression de pousser la porte de votre fleuriste favori(te), ou de plongez le nez dans un feuillage dense, avec des notes de buis, un petit côté épicé (original sur du blanc), et une dimension minérale (asphalte, pierre chauffée au soleil). Le fruit se manifeste essentiellement en bouche lors de la rétro-olfaction, sous la forme d'une pêche mûre à souhait. Le bouquet olfactif n'est pas aussi aguicheur que les deux Narince pré-cités, mais il est bien plus unique. La bouche propose un équilibre très réussi, avec des constantes très élevées. Le gras, l'onctuosité domine, ce qui donne un vin assez velouté en bouche, soutenu par une acidité moyenne à forte qui donne de la profondeur à l'ensemble sans être forcément perçue directement, mais la salinité éprouvée en milieu et fin de bouche ne trompe pas. Les 14% d'alcool sont, avec surprise, parfaitement inclus dans le tableau, la finale est de fort belle tenue sur la palette d'arômes évoquée précédemment. C'est donc un blanc puissant, complexe, gastronomique à souhait. Il n'est pas courant de trouver des vins aussi riche et structuré avec une personnalité si affirmée sous la barre des 10 euros.

Gros coup de coeur, ce sera le Narince de Vinkara qui remportera ce match à trois, victoire d'autant plus méritante que les adversaires étaient de taille, comme vous avez pu le constater. C'est donc, au risque de me répéter, un cépage qui mérite une vraie reconnaissance sur le plan international. Mais pour vous faire votre propre opinion, rien de tel que de les goûter à votre tour, je vous promet beaucoup de satisfaction!

Ce lien vous conduira vers le site officiel de Vinkara.

Ma note globale: 93/100

vendredi 6 mars 2015

Mencia 2012, rouge, Joaquin Rebolledo, Valdeorras, Espagne

Après la Galine, la Galice! La Bodegas Joaquín Rebolledo se situe dans la province d'Ourense, au nord-ouest de l'Espagne. L'appellation Valdeorras a vu le jour en 1945, le cépage star en blanc étant le godello, et en rouge le Mencia (dont je vous ai déjà vanté les mérites). Le climat est continental, et les vignes sont plantées entre 240 et 320 mètres. Ce rouge n'a connu que les cuves.

C'est une bouteille que j'ai ouverte en parallèle du Minervois la Livinière, pour accompagner un succulent filet de pintade aux cerises et à la Kasteel rouge (purée de pommes de terres, pommes et poires airelles pour les curieux), et tout comme la Galine, c'est un vin qui s'est bonifié en prenant son temps après la libération du bouchon. Bien que plus causant que son vis-à-vis dans l'instant le soir-même, il a atteint sa plénitude le lendemain. En cause, une très légère réduction qui bridait le nez de ce vin, la bouche quant à elle était déjà pas mal en place. En terme d'arômes, on a un mix curieux quoique intéressant entre grains de café grillés (ou une impression de fumé, c'est selon), des petits fruits rouges et un côté floral qui sera mieux perçu en rétro-olfaction sous la forme de violette très marquée. On sent le raisin aussi, c'est à signaler. Pour tout dire, l'impression générale de ce vin m'a fait penser autant à un cru du Beaujolais type morgon, qu'à un "petit" Côtes-du-Rhône de copains. Je hume une certaine fraicheur, mais la bouche va un peu me contredire. Je déplore un léger manque d'acidité, mais l'ensemble est très souple. C'est peu tannique, pas alcooleux si ce n'est qu'on est plus proche du Rhône que du Beaujolais en ce domaine.

La finale a plus d'un tour dans son sac. Alors que je m'attend à quelque chose d'assez court, la violette persiste, accompagnée par des accents levurés et épicés. Un vin assez atypique, inclassable, qui mérite une attention soutenue du genre "ne te fie pas à mon apparence, j'ai l'air d'un petit vin facile mais j'en ai beaucoup sous le pied...

J'ai préféré la maîtrise et l'équilibre de la Galine, sur ce coup-là. En terme d'accord, sa structure répondait mieux à la volaille, alors que notre vin espagnol s'effaçait un peu devant le plat tout en faisant ressortir la dimension fruitée de celui-ci. Deux types d'approches, donc, et les deux se dégustent bien sans nourriture. Pour ma compagne, c'est plutôt le galicien qui a recueilli ses faveurs, y'a pas photo vu qu'elle m'a demandé un second service. Mais ce Mencia m'a fait réfléchir et m'interroger davantage, et c'est lui qui m'a donné l'impulsion pour ces deux articles.

On peut le trouver chez Wijnenwereld, pour 11,30 EUR l'unité, prix dégressif.
Plus près de chez nous, le bien nommé Leuvin à Louvain, le propose à 8,95 EUR, 5+1 gratis au moment d'écrire ces lignes. Boutique non-testée mais qui semble très sérieuse, les frais de ports s'élèvent toutefois à 15 EUR pour 12 bouteilles.

Pour terminer, voici le lien vers le site officiel de la bodega Rebolledo.

Ma note globale: 83/100

vendredi 27 février 2015

La Galine 2007, domaine La Combe Blanche, rouge, Minervois La Livinière, Languedoc

Guy Vanlancker est un des nombreux belges qui a décidé de s'offrir un changement de trajectoire sous un ciel plus clément dans le sud de la France. Prof il y a plus de 30 ans chez nous, il s'installe dans sa cave au coeur du village de La Livinière, au Nord-Est de Carcassonne. Toujours à la recherche de nouvelles idées, on trouve dans sa gamme aux prix doux un 100% Cinsault, un 100% Pinot Noir, ou encore un 100% Tempranillo, sans oublier son blanc de Roussanne.

Cette "Galine" est composée de Syrah majoritaire, soutenu par le trio Grenache/Carignan/Cinsault. Il faudra plusieurs heures pour que cette bouteille sorte d'un sommeil profond. Peu loquace de prime abord, le nez va s'épanouir peu à peu alors que la bouche gourmande laisse déjà présager de bons moments lors de l'ouverture. On trouvera des notes évoluées de type sous-bois, champignons, un peu de truffes même. Et à l'agitation, de jolis fruits noirs (framboise) et autres fruits secs entreront dans la danse. L'élevage sous chêne, pourtant d'une durée de 18 mois dans des barriques anciennes, se fait très discret.
L'attaque montre une acidité bien distillée typique des crus languedociens bien orchestrés. Les notes de terre humide étant presque les seules à s'exprimer au départ, j'ai brièvement pensé à un très léger souci de bouchon, mais il n'en est rien heureusement. Les tanins sont relativement fins, pas trop nombreux, bien à leur place. Il en va de même pour l'alcool, même si il se montre plus présent en finale, sans excès malgré les 14 voire 14,5% affichés. Parlons-en de ce finish, assez long et harmonieux sur une tonalité fruitée, beaucoup de gourmandise en fin de bouche.
Un vin plaisant, agréable à boire, un bon compromis entre finesse et puissance. Je pense qu'il était temps d'ouvrir ce 2007, toutefois. Sans être sur le déclin, il me semble qu'il n'en est pas très loin. Et si j'ai l'occasion un jour de découvrir les autres curiosités du domaine, je n'hésiterai pas longtemps.

Pour en trouvez, voyez du côté de ROGER RUWET à Seraing, le champion des vins du quotidien à prix mini: 0498 72 60 70, roger.vins@base.be, peut-être en a-t-il encore.

Sinon, le 2010 est apparemment disponible dans les magasins Auchan.

Une visite au domaine est également une bonne alternative pour aller chercher en sus un peu de soleil, en voici le site internet.

PS: Ça m'a échappé, et suite à une recherche de dernière minute avant de poster l'article, j'ai trouvé d'autres cuvées de ce vigneron chez Popsss, qui se spécialise justement dans les vignerons belges, in & out of our land! J'aurai d'autres pépites dégotées chez Popsss à vous présenter. Boutique à découvrir!

Ma note globale: 85/100

lundi 23 février 2015

Ode au Narince (2/3): Kavaklidere Ancyra Narince 2012, blanc, Turquie

Kavaklidere, c'est un peu le "Torres" turc. Fondée en 1929, cette maison a acquis au fil du temps toute une série de vignobles disséminés dans 7 régions du pays pour un total de 645 hectares en 2014. Pas moins de 55 vins différents sont produits sous cette bannière, il faudrait presque un salon tout entier pour déguster l'ensemble! Les vins de la série "Ancyra", ancien nom de la ville d'Ankara, sont les intermédiaires entre les vins d'entrée de gamme et les vins "Premium" de ce producteur qui travaille évidemment autant avec les cépages locaux qu'avec les internationaux.

Hum, le moins que je puisse dire, c'est que ce vin est aux antipodes du premier. Je suis assez surpris parce que j'ai du mal à leur trouver une caractéristique commune hormis beaucoup de générosité et des nuances d'amertume fruitée dans la finale. Le nez fait voyager en se déclinant sur toute une série de fruits tropicaux: mangue, passion, ananas... pas mal d'agrumes (pamplemousse) également. En fait, ça me fait penser à certaines boissons type "Oasis" ou "Tropico" chez nous, le sucre en moins. ;-) C'est très engageant. En bouche, pas de perlant cette fois mais on a quelque chose de plus vif, l'acidité est bien plus marquée et l'ensemble est plus léger, comme un sauvignon sans son côté herbacé. Ça glisse en tout cas très facilement, et les 13% d'alcool sont parfaitement embarqués.

Là où le Narince de Kayra impressionne par son assurance et sa force tranquille, celui de Kavaklidere est plus canaille et impétueux. Pour ma part, je n'ai pas envie de choisir mon camp, les deux styles me parlent et ce sont des vins très bien faits tous les deux. J'estime toutefois que le Kayra a un petit plus en ce qui concerne le potentiel de garde et sur la longueur de sa finale. N'empêche, ce serait un beau match pour l'équipe de Quitou.com!

Le Kavaklidere est probablement encore plus adapté pour l'apéro, et je le destinerais davantage aux fruits de mer qu'aux nobles poissons. On peut se l'offrir pour une pièce de plus, 9,90 EUR chez Gourient.

Ma note globale: 87/100, pas très original mais je me vois mal les départager tant ces deux flacons visent des objectifs différents. En tout cas, j'attends le troisième, celui de Vinkara, au tournant! :-)

vendredi 20 février 2015

Ode au Narince (1/3): Kayra Terra Narince 2012, blanc, Turquie

Avec cet article, nous entamons une série qui nous entraînera dans un périple au coeur des vins turcs. Nous allons tout d'abord comparer trois vins blancs basés sur le cépage Narince.

Pour avoir passé quelques séjours en vacances dans ce pays, j'ai pu me rendre compte sur place que la qualité était au rendez-vous, propulsée à l'aide de cépages autochtones dignes d'intérêt, mais qu'il est encore assez compliqué de se procurer sur place des flacons fiables et à des prix corrects en tant que touriste mal informé. J'ai encore le souvenir de petites superettes non-climatisées où trainaient des bouteilles plus douteuses les unes que les autres, entre étiquettes rafistolées et muselets abîmés. Mais la chance m'a parfois souri, et cela a suffit pour aiguiser ma curiosité. Si des maisons telles que Kavaklidere ou Doluca sont installées depuis de nombreuses années et fournissent assez bien à l'export, de jeunes établissements audacieux tentent de se faire une place au soleil. Et c'est grâce à cette providentielle boutique allemande, Gourient, que j'ai pu me procurer une série de flacons afin de continuer l'exploration des trésors liquides turcs confortablement installé à la maison.

Entrons sans plus attendre dans le vif du sujet avec le premier blanc en provenance de la maison Kayra dont les installations se trouvent dans la province d'Elazig en Anatolie, sous la supervision de l'oenologue américain Daniel O'Donnell qui avoue qu'il y a encore tout à découvrir parmi la foultitude de cépages locaux. Le cépage Narince est mon petit chouchou en ce qui concerne les blancs. Il se plait bien au contact des barriques, mais les trois quilles que je vais vous décrire n'ont connu que les cuves, afin de permettre une expression pure de ce cépage qui le mérite bien.

Le nez est très séducteur d'emblée, vraiment plaisant. La pomme verte prend les commandes, suivie de prêt par d'autres fruits blancs, des fleurs et une légère dimension minérale. Je n'y trouve pas d'arôme rare, mais l'ensemble est très cohérent. On pourrait bien sûr penser à du Chardonnay de climat chaud avec une telle aromatique, mais la bouche me fait davantage penser à du Verdicchio, cépage ayant la cote en Italie, dans les Marches. Il y a un perlant presqu'imperceptible qui amène sa part de fraîcheur, mais c'est plutôt l'onctuosité qui prévaut. L'acidité est là, mais en retrait. Si il y en avait davantage, je pense que ce vin serait une véritable bombe, parce que la bouche est opulente, une belle concentration des arômes perçus à l'olfaction donne lieu à un vin qui prend de la place autour du palais, mais sans aucune vulgarité. La finale me réchauffe juste ce qu'il faut, et elle est d'une longueur épatante. 12,8% d'alcool, et ça lui va parfaitement bien. Longue finale donc, aux accents fruités, avec une amertume toute légère qui ajoute du sérieux à l'édifice. C'est propre, belle bouteille, et pour 8,90 EUR, voire même 7,50 EUR en promo chez GOurient en ce moment, je vous assure qu'il y a de la matière!

Ce n'est pas complexe, mais ce n'est pas simpliste non plus, on est vraiment entre les deux ce qui fait qu'il sera un partenaire généreux pour l'apéro, et même si c'est un accord classique de chez classique, il embellira un beau poisson, juste grillé. Les deux Narince suivants apporteront-ils autant de satisfaction?

Ma note globale: 87/100

jeudi 12 février 2015

Château Haut-Bailly 2010, rouge, Pessac-Léognan, cru classé de Graves

Est-il bien nécessaire de vous présenter cette propriété star de Léognan? 30 hectares d'un seul tenant, fournissant uniquement en rouge, répartie sur un premier et un second vin pour une production atteignant sans mal 150 000 quilles. Une petite visite du <a href="http://www.chateau-haut-bailly.com/fr" target="blank">site officiel</A> vous en apprendra bien davantage.

Je ne vais pas y aller par quatre chemins, et je sais que je ne me ferai pas beaucoup d'amis sur ce coup-là mais... je me suis ennuyé ferme avec ce vin. J'ai tourné et retourné cet article dans tous les sens, ne sachant pas trop comment aborder la chose. Oui, ce 2010 est techniquement proche de la perfection. Son point fort est un équilibre en bouche sans faille avec pourtant des tanins massifs et innombrables, une acidité moyenne contre-balancée par un alcool parfaitement intégré donnant lieu à une impression veloutée ou de sucrosité au fur et à mesure que le vin tapisse le palais. Et la conséquence de cet équilibre, c'est une finale d'une longueur peu commune, proche de la minute dès l'ouverture de la bouteille. C'est tout ce que je retiendrai. Pourtant c'est formidable, me direz-vous? Qu'est-ce que je pourrais bien vouloir de plus? Sauf que sur les 48 heures passées avec cette bouteille, je n'ai pas vibré une seule fois, pas un frisson, pas un "wow", pour la bonne et simple raison qu'il n'y a pas d'âme, pas de magie. L'aromatique est désespérément classique avec un nez très moyennement expressif. Elle se décline sur un boisé déjà très bien fondu, un peu de fruit noir type framboise, et des notes à caractère végétal typique du cabernet qui n'apparaissent qu'au bout de 24 heures, un peu comme si le maquillage s'effritait.

Évidemment, c'est un vin conçu pour une garde de compétition et bien sûr, je l'ai ouvert à peine sorti de l'oeuf. Sauf que tout grand vin taillé pour la garde offre des étincelles, un mode de lecture qui donnera déjà un certain plaisir immédiat (soit impressionnant, soit émouvant) et surtout donnera envie de l'encaver. Ce sera sans moi sur Haut-Bailly. J'aurai peut-être un tout autre avis si je devais le regoûter en 2030, mais je n'en suis pas du tout certain.

Tout cela n'aurait guère d'importance si ce vin était vendu à un prix convenable, que je situe entre 25 et 30 euros dans ce cas précis. Sauf que ce cru classé de Pessac-Léognan allégera votre bourse de plus de 100 euros, avis aux amateurs.

Pourtant dieu sait si j'aime les vins de Bordeaux. Pour rester sur la même appellation, le Château de Fieuzal m'a littéralement fait décoller du sol sur son millésime 2010, dégusté sur un salon après un déjà merveilleux 2012 (qu'on trouve à moins de 30 euros, d'ailleurs). J'ai également beaucoup d'affection pour le blanc de Pessac en provenance du Château Carbonnieu. Malartic Lagravière, un peu plus cher, mérite également qu'on s'y intéresse. Sur Saint-Estèphe, j'ai éprouvé beaucoup d'émotions avec un Phélan-Ségur 2012 tout en finesse. Donc même jeune les grands vins de Bordeaux peuvent dégager une superbe personnalité. Mais quand on se permet de vendre pour 118 euros l'unité, (déjà un peu moins cher qu'en primeur si mes informations sont bonnes... désamour?), il s'agit d'offrir autre chose qu'un vin technologique au look de "premier de la classe". Je ne fustige pas tous les vins à 3 chiffres, mais j'insiste uniquement dans ce cas précis, il y a vraiment de quoi.

Pour terminer sur une note plus positive, vous trouverez une large sélection de Bordeaux, prestigieux ou pas, chez <a href="http://www.magnuswijnen.be/" target="blank">Magnus Wijnen</A>, encore une adresse hautement recommandable et pas seulement pour cette région vitivinicole!

Ma note globale: 82/100. Le prix étant un critère secondaire dans l'attribution de ma note, j'aurais pu être bien plus sévère étant donné l'indécence de celui-ci. Enfin, puisque je me dois de rester objectif, notez tout de même que les pros, Robert Parker ou James Suckling par exemple, lui donnent allègrement 98/100. Alors je ferais sans doute mieux de la boucler, non? ;-)

jeudi 5 février 2015

Quitou.com, pack 2: le blanc à l'honneur

Bienvenue pour ce compte-rendu de dégustation chardonnesque, deuxième face à face proposé par le site Quitou.com. Deux blancs français mais de coins différents vont tenter de nous livrer leurs secrets, cet épisode nous propose d'apprivoiser ce caméléon de cépage qu'est le Chardonnay.

A ma gauche, l'Artisan 2012, un Chardo languedocien. Sous la bannière de Laurent Miquel, on trouve deux vastes propriétés, Cazal Viel dans la zone d'appellation de Saint-Chinian, et Les Auzines, plus bas sur Corbières. Cela donne lieu à une kyrielle de vins différents de toutes les couleurs, classés en diverses gammes: les vins d'appellations, les mono-cépages, ... J'ai aperçu qu'on y produisait un Albarino en feuilletant le site web de la maison, voilà qui attise ma curiosité. Mais revenons plutôt à ce 100% Chardonnay, qui, toujours selon le site officiel, a été élevé pour moitié pendant 5 mois en barrique. La dégustation me fait penser à 18 mois plutôt qu'à 5, mais soit!

A ma droite, le Mâcon-Fuissé 2012 du Château Vitallis. L'appellation permet de situer aisément ce domaine au sud de la Bourgogne, sur les communes de Fuissé et Solutré. Denis Dutron n'y produit à priori que du blanc, deux Pouilly-fuissés, un Saint-Véran, et du Crémant. Mais c'est en l'occurence le Mâcon-Fuissé qui nous intéresse ici, c'est d'ailleurs le premier que j'ai la chance de déguster, je manque donc de références. Ce vin est produit à partir de vignes trentenaires et est élevé en cuve.

Je ne vous fait plus languir, voici ce que j'ai pensé de la cuvée "L'Artisan": élevage très intrusif au départ, on ne sent quasi que du bois au nez, j'ai l'impression que je vais croquer la barrique qui a couvé ce vin. En bouche, un peu de banane, de poire et de fleurs sucrées parviennent à surnager à travers les planches. Ce qui est un peu plus intéressant, c'est que l'attaque se fait très moelleuse, beaucoup de gras pour commencer, avec pourtant une pointe inattendue de fraicheur en finale. L'alcool est bien intégré donc on est loin d'être sur un vin pataud. La finale est de longueur moyenne, sur des notes de caramel et apporte une légère amertume bien agréable. Après quelques heures, en terme d'arômes je parviens enfin à mettre un nom qui se rapproche d'un parfum bien particulier, un peu chimique. Vous savez, ces petits bonbons à croquer en forme de pastilles... on en trouve certaines variantes sous la forme de colliers. C'est original.

Et du côté du Mâcon-Fuissé alors? Le nez du bourguignon est un peu moins exubérant mais plus racé, sur des notes d'agrumes (pamplemousse) et de beurre-citron, il annonce beaucoup de fraicheur et j'ai l'impression que ce vin peut permettre de bien jolis accords à table. Derrière ces agrumes se faufilent une ou deux pommes vertes. En bouche ça se confirme, belle acidité même si on est loin de Chardonnays tranchants comme on en trouve davantage au nord de la Bourgogne. Un petit peu de gras s'installe en milieu de bouche avec sa couronne de fleurs parfumées. L'alcool est un peu plus ressenti en finale mais rien de dramatique. C'est juste un peu surprenant, étant donné les climats différents et l'origine de ces deux vins, on aurait pu s'attendre au contraire à ressentir davantage l'alcool sur le Languedocien. La finale est de longueur assez moyenne, sur des notes vaguement miellées.

Je constate avec joie que les deux vins n'ont quasi pas bougé sur deux jours. Le sudiste s'est même amélioré, il a gagné en longueur finale, le nez s'est orienté vers des arômes un peu plus sucrés type grenadine. Si le vin du Languedoc est probablement à boire pour ce qu'il est maintenant ou dans les deux-trois prochaines années, le Mâcon-Fuissé pourra supporter voire bénéficier de quelques années de plus en cave si on le souhaite. Ce qui est important à retenir avec cet exercice, c'est la différence entre élevage en cuve et élevage en barriques. Lorsque ce dernier est bien réalisé et à petite dose, cela peut vraiment apporter un plus en terme de structure au vin, donc je ne suis pas aussi catégorique comme peuvent l'être certains contre le bois, il faut simplement éviter que celui-ci domine et étouffe la matière, ce qui rend généralement le breuvage ennuyeux. J'ai néanmoins aimé l'originalité de "l'Artisan", et je remonte légèrement ma note suite à ces améliorations relativement inattendues. mais j'ai davantage vibré avec le Mâcon-Fuissé. Son prix de 10,90 EUR en fait une affaire plutôt intéressante.

A défaut de coup de coeur ultime jusqu'à présent, ces dégustations comparatives sont décidément fort enrichissantes! Stimuler les nasaux sur deux verres côte à côte, ça aiguise les sens. A quand un comparatif entre Puligny et Chassagne? Bon d'accord, je me tais... ;-)

Ma note globale: Artisan 2012: 77/100, Mâcon-Fuissé 2012: 84/100

Le troisième pack concerne les bulles, miam, avis aux amateurs!

dimanche 25 janvier 2015

"M" Comme Je Suis 2010, rouge, Mas de Mon Père, Frédéric Palacios, vin de France

A l'aveugle, je suis parti sur un vin du sud-ouest, à cause de sa puissance, et avec une aromatique qui me rappelait le Bordelais. C'est un 100% Merlot produit dans le Languedoc, en fin de compte. Voici déjà le second vin du Mas de mon Père que j'ai à vous proposer! Cette cuvée est née en 2008, il n'y a donc que quelques millésimes à se mettre sous la langue aujourd'hui, et certainement un bel avenir lorsque le vignoble sera à nouveau en pleine forme.

Le nez au repos peut sembler un peu unidimensionnel sur la cerise et quelques épices, mais en agitant le verre la métamorphose est saisissante, ce nez prend de l'ampleur, le fruit se noircit et m'évoque tantôt les baies sauvages, tantôt la réglisse. En bouche, l'acidité n'est pas très forte mais suffisante, les tanins sont peu nombreux mais très fins, ils sont aussi malheureusement masqués par un alcool un peu trop agressif. Aux arômes déjà évoqués viennent se mêler des notes de tabac, un peu de végétal. Le vin tapisse bien le palais, et comme lors de la cuvée "Insolite" on sent la montée en puissance jusqu'à la finale qui est assez persistante mais avec une amertume que je trouve très prononcée, au niveau de certaines de nos bières spéciales belges. Surprenant sur du merlot, je dois dire que ça gâche légèrement l'harmonie escomptée à l'olfaction et à la mise en bouche. J'aime l'amertume, mais tout est dans le dosage. Peut-être que deux ou trois ans de cave malgré ses quelques années de vol pourraient l'attendrir? Il a en tout cas assez bien tenu la distance sur 24 heures.

J'en profite également pour vous refiler un petit tuyau sur une boutique qui s'appelle Proef de Passie, je n'ai pas encore testé mais ils proposent un sacré éventail des vins de Frédéric Palacios dans plusieurs millésimes, d'autres domaines de la Malepère sont représentés, et également la possibilité de recevoir quelques colis "découvertes" avec frais de ports offerts!

Ma note globale: pas évident à noter, la complexité aromatique insoupçonnée mérite d'être soulignée, mais je vais donner 79/100 pour l'ensemble.

samedi 24 janvier 2015

Soif du Mal 2012, rouge, Jean-François Nicq, Domaine Les Foulards Rouges

Heureusement que j'étais seul pour descendre cette bouteille... non pas que je n'aime pas partager, que du contraire sinon ce blog n'aurait pas vu le jour, mais si j'avais été accompagné, c'est un magnum qu'il aurait fallu! Les vins que l'on qualifie "de soif" sont monnaie courante aujourd'hui. La plupart des domaines en proposent, souvent comme vin d'entrée de gamme. Mais il est rare d'en trouver d'aussi gourmands, surtout dans ce coin du Roussillon où les vins charpentés sont davantage à la mode. C'était dangereusement bon. Et encore, dangereux, pas tant que ça, puisqu'il s'agit d'un vin sans sulfites ajoutés. Tu fais glou, re-glou, et oh surprise, ton verre est vide.

Les Foulards Rouges, c'est Jean-François Nicq aux commandes d'un domaine de 14 hectares depuis le début des années 2000 à Montesquieu des Albères dans les Pyrénées-Orientales. Ma première rencontre avec ce domaine s'est concrétisée l'an dernier sous la forme d'une autre cuvée: les Glaneurs 2011, pur grenache si je ne m'abuse. Ce vin ne m'a pas laissé un souvenir mémorable, mais c'était bien fait et également très digeste. "Soif du Mal" par contre, classé en vin de France, m'a donné le sourire!

Le premier nez sur le goulot est si particulier que je ne suis pas certain d'avoir un rouge face à moi (j'ai pioché et ouvert cette bouteille totalement à l'aveugle). Mais une fois versé dans le verre, le doute n'est plus permis. Le nez est extrêmement séduisant, les fleurs genre pivoine et violette se partagent le bouquet à parts égales avec des fruits croquants tels la cerise, la prunelle à l'eau de vie. Point de gaz perlant à l'ouverture comme on en rencontre parfois sur les vins dits "natures", par contre une réduction légère mais palpable perturbe un peu la dégustation, pas au point d'être dérangeant mais cela nuit un peu à la pureté du fruit. Un carafage modéré ou patienter quelques heures bouteilles ouvertes permettent de se débarrasser de cette phase sans difficulté. En bouche, on retrouve les arômes cités précédemment, et c'est très souple d'emblée. L'acidité est au rendez-vous, en quantité idéale pour apporter la fraîcheur, élément central de ce vin. Très peu de tanins, et un alcool modéré (12,5%) nous emmène vers beaucoup de gourmandise en milieu de bouche, sensation qui se poursuit jusqu'à la finale fruitée et de longueur convenable. Il y a une âme dans ce vin, un petit quelque chose de pur et franc qui m'a touché. Une certaine complexité et des parfums atypiques me rendent suffisamment curieux pour ne pas m'en lasser si cette cuvée me servait de vin quotidien. Mais ce ne sera pas le cas étant donné son prix ambitieux, entre 16 et 18 euros. Mais pour un petit plaisir entre amis, c'est jouable. Les vins du domaine sont assez bien représentés en Belgique, visez A Taste Affair, The Wine Agency, et évidemment Vive le Vin. Et si vous en trouvez comme moi en solde, foncez!

Je quitte la pièce en vous laissant une petite vidéo de présentation de cette propriété, temple des cigales!

Ma note globale: 89/100

jeudi 15 janvier 2015

L'insolite 2008, rouge, Mas de Mon Père, IGP pays d'Oc, Malepère

Ça y est, j'ai enfin pu découvrir un vin du Mas De Mon Père, autrement que par la lecture. En effet, Frédéric Palacios est très populaire sur la toile. Il a des fans inconditionnels parmi les blogueurs que je consulte régulièrement, comme par exemple les Décolages de Christian, le blog d'Abistodenas, pour n'en citer que quelques-uns. A voir également, une série de vidéos très intéressantes en compagnie de Frédéric Palacios, proposées par Les Caves de Trinque Fougasse, caviste montpelliérain qui doit valoir le détour!
Cet engouement est dû très certainement à la sympathie du bonhomme, à la qualité de ses jus singuliers, mais aussi à un grand élan de générosité de ses collègues et amis suite à la catastrophe qui lui est littéralement tombé dessus, à savoir la grêle cet été dans le Languedoc, la Malepère ayant été particulièrement touchée... dans le cas du Mas de mon Père, c'est quasi de zéro qu'il faut repartir. C'est grâce à l'apport de raisins des voisins qu'il aura pu néanmoins vinifier quelque chose, cette cuvée s'appelle "la part de l'orage", où plutôt s'appellera, puisqu'on peut la réserver en primeur afin de relancer la trésorerie. Un très joli refus d'abattement!

J'ai participé à une véritable chasse aux trésors chez Vive le vin, caviste liégeois lors d'une journée déstockage, fonds de loge et compagnie. Résultat, je ne sais plus où ranger les caisses! Et au beau milieu de ces références se trouvait cet "Insolite" 2008. Pas tout jeune, certes, mais c'est un 100% Malbec, ce qui ne devrait pas poser problème avec ce cépage plutôt atypique dans ce coin de la France!

Et je dois dire que ça ne se présente pas très bien à l'ouverture. Le nez est presque absent, hormis une pointe aisément identifiable de violette, caractéristique qui ne faiblira pas du début à la fin de cette dégustation. En bouche, heureusement, je perçois directement la matière, mais sous la forme d'une acidité qui ne sait pas trop où se mettre et sur des tanins extrêmement durs et une finale un peu courte porteuse d'épices. Peu de fruit, il se pointe en coeur de bouche. Je me dis alors que j'ai peut-être dérangé le nectar dans un sommeil profond. Je lui ai laissé un peu de temps pour émerger, le nez s'est légèrement ouvert mais avec un côté peu flatteur genre terre humide, et la bouche est restée aussi brouillonne qu'un groupe de jeunes musiciens régionaux au début de son projet. Mais je n'allais pas lâcher l'affaire aussi facilement, j'ai pris le taureau par les cornes en sortant la carafe du placard.

Et là, après 6-7 heures d'aération, la magie a opéré, les discordances se sont transformées en accords mélodieux. La réglisse a fait la cour à la violette, ils m'ont emmené dans les sous-bois. La bouche s'est révélée franche, les tanins se sont civilisés, mais pas trop, juste assez pour laisser l'acidité amener sa touche de fraîcheur. L'alcool (13%) est merveilleusement intégré au point de se faire oublier, prouesse appréciable avec ce cépage. La finale est assez percutante avec un retour des notes épicées et de noisette, et de bien plus agréable longueur qu'au départ. En résumé, une intro discrète, un milieu de bouche qui prend de la hauteur, et une finale puissante. J'ai bien aimé, et j'en ai profité presque deux jours. Car malgré son côté digeste appelant à se resservir, j'ai préféré le siroter pour voir si d'autres surprises m'attendaient. Il n'y en a pas vraiment eu, si ce n'est que le vin s'est très bien tenu jusqu'à la dernière goutte.

Je crois que j'ai récupéré un "M. comme je suis" de ce domaine, mais il n'y avait plus de "Partez pour le rêve". Je vous conseille toutefois de rendre visite à Philippe Devos dans son magasin Vive le Vin, rue des Vennes à Liège, la vente en ligne n'étant pas proposée directement. Vous y trouverez des bouteilles rock'n'roll, des vins bios, biodynamiques, ou plus classiques, mais avec une histoire pour chacune que le maître des lieux se fera un plaisir de vous conter.

Ma note globale: 83/100

mercredi 14 janvier 2015

Three Graces 2008, sparkling, Chapel Down, Kent, Angleterre

J'ai pris des risques, lors du repas d'entre-fêtes que nous avons organisé pour la famille à la maison le 27 décembre. Si ma compagne avait la tâche colossale de nous concocter un menu que nous ne serons pas prêts d'oublier, j'avais de mon côté la responsabilité du jeu de quilles. Et pour l'apéritif ainsi que sur les verrines d'entrée, j'ai choisi de mettre à l'honneur des bulles anglaises.

Bouteilles cachées sous chaussettes, évidemment. Je ne suis pas totalement fou. Et je tenais à recevoir les avis en toute objectivité. Mais j'étais plutôt confiant, pour avoir testé une semaine plus tôt, en guise d'échauffement, la cuvée "Three Graces" 2008 qui m'a complètement conquis.

En route vers le vignoble de Tenterden dans le Kent, au sud-est de l'Angleterre. Chapel Down Winery est l'un des plus grands producteurs du pays, on y trouve des bulles, des vins tranquilles en rouge et en blanc, ainsi que du cidre ou de la bière. Dans cette bouteille, Chardonnay, Pinot Noir et Pinot Meunier se côtoient après 4 ans de maturation sur lies. La bulle est d'intensité faible mais tout de même fine et délicate au palais. C'est évidemment un peu déroutant, surtout si on est habitué à la bulle turbulente du Cava ou à celles élégantes et persistantes des nobles champagnes. Je pense toutefois que c'est voulu et que ce n'est pas un défaut ou un manque de soin, il s'agit juste de proposer un peu moins de pression pour permettre au fruit de s'exprimer sans être noyé par l'effervescence. Et ça vaut vraiment la peine de se plonger dans ces multiples couches d'arômes. Les fruits rouges, la framboise du pinot noir accueillent le nez, tandis que le fruit blanc et le brioché du Chardonnay reprend les commandes en bouche. La finale est longue, l'acidité est distillée avec parcimonie. C'est donc un mousseux très, très vineux, c'est d'autant plus impressionnant! Les changements climatiques ne sont pas néfastes pour tout le monde... Une belle claque et beaucoup de plaisir avec cette bouteille pleine de finesse. Aux environs de 23 euros, c'est à découvrir d'urgence! Il doit en rester chez Crombé.

Ma note globale: 90/100

En ce qui concerne les deux autres cuvées Chapel Down servies à ce repas, le "Vintage Reserve Brut" a fait le boulot, une bouteille honorable et plaisante qui a été davantage plébiscitée par les dames en présence. Digeste et à la bulle un brin plus guillerette que le "Three Graces", je l'ai toutefois trouvé assez court en bouche. (15 euros)
Le Blanc de Blancs 2008 par contre est également assez fascinant, on retrouve cette bulle fine et les notes classiques mais si exquises du Chardonnay des climats frais. Autour des 23 euros également, ne laissera pas indifférent les amateurs du style blanc de blancs.

Pour l'anecdote, voici les autres vins servis mais que je décrirai plus tard lors d'une dégustation future, n'ayant pas pris de notes:
- Löwengang Chardonnay 2011 d'Aloïs Lageder: Un de mes gros coups de coeur en blanc lors de la dernière dégustation organisée par Licata Vini. Bouteille ouverte un peu tardivement, n'a pas délivré tout son potentiel, mais grand tout de même! Le - Poulignano-Montracheto - du Trentino Alto-Adige! ;-)
- "Oumage" 2005, rouge, Vacqueyras, domaine Le Sang des Cailloux: bouche de velours et complexité folle, bouteille hors du commun.
- Sfurzat "5 Stelle" 2010, Nino Negri: retour flamboyant vers l'Italie, une concentration accaparant tout le palais, un vrai vin de méditation pour terminer la soirée... sans oublier le Cognac pour les plus braves: "Réserve des Anges", du domaine le Cep Enchanté.

vendredi 9 janvier 2015

Cabernet Sauvignon 2010, Paul Dolan Vineyards, Mendocino County, Californie

Un vin astucieusement travaillé, complet et à multiples facettes, avec un rapport qualité/prix sidérant, voici ce que je peux vous dire en prélude de ce compte-rendu de dégustation. Je vous emmène pour un mini-trip au nord de la Californie, au coeur de la zone de Mendocino. Paul Dolan Vineyards est un projet assez récent puisqu'il a vu le jour en 2006, mais avec un homme d'expérience aux commandes. La production se veut saine, vins bios pour certaines cuvées, vins carrément biodynamiques pour d'autres. Si je n'ai testé que ce 100% Cabernet Sauvignon, on peut se laisser tenter par un Sauvignon Blanc, un Zinfandel, un Pinot Noir, le Deep Red qui semble être le vin icône du domaine, voire même par des bulles de Chardonnay.

Le nez est avenant et expressif, les baies sauvages, le cassis, le tabac et la réglisse me titillent les narines dans un ensemble cohérent. En bouche, une belle fraîcheur m'accueille d'emblée, des tanins nombreux mais veloutés, bien disciplinés, ainsi qu'un alcool modéré et bien intégré dès l'ouverture de la bouteille malgré les 14,5% affiché, ce qui est très encourageant pour un pur cabernet d'Amérique. J'ai une véritable impression de puissance contenue, d'un pur sang fougueux extrêmement bien dressé. Ceci est probablement dû à une excellente qualité d'élevage, parce qu'on devine à peine les 15 mois que ce vin a passé en barriques. La finale est logiquement longue et savoureuse, il ne peut en aller autrement avec un tel équilibre, sur la réglisse et les fruits mûrs, une pointe de caramel parachève l'oeuvre. Un chouette compagnon hivernal, qui pourrait d'ailleurs faire bonne figure sur vos gibiers de fête, et qui peut faire très mal à beaucoup de vins bordelais. Tentez de le comparer à la suite d'un bon Médoc ou d'un Saint-Julien, voire avec un Cabernet chérot de la Napa Valley, discussion et plaisir garantis à votre table! Quelle justesse, et quel sens du détail! Keep on doin'!

Vous pouvez commander ce nectar pour environ 15 euros chez Crombé, encore une boutique flandrienne qui propose des choix étonnants dont je vais continuer à vous entretenir dans les posts à venir.

Ma note globale: 91/100, et c'est un minimum.

Quitou.com, mes impressions sur le pack numéro 1

C'est le début d'une belle aventure qui se dessine. Un projet belge, ambitieux et dans l'air du temps. L'idée? Apprendre à démystifier le vin, en visionnant des vidéos didactiques en ligne, tout en dégustant les bouteilles chez soi. Les tarifs sont raisonnables, et la boutique sur le site permet d'acheter les vins qui vous auront convaincus. Ce qui me plait, chez Quitou (Jean-Christophe Cools), c'est son esprit de synthèse que je trouve fort développé. C'est assez rare de nos jours, et ça fait du bien parfois de rassembler des concepts et des idées efficacement dans ce monde si vaste qu'est celui du vin, où les débats et les remises en question sont légions.
Allez donc jeter un oeil sur Quitou.com!

Attention, si vous tentez l'exercice, ne lisez ce qui suit qu'après l'expérience, il y a du spoil dans l'air!

Le Rhône et le Blayais se mesurent lors de ce premier round. Rouge à rouge. A ma gauche, le Côtes-du-Rhône "Roulepierre" 2012de Pierre Amadieu, à ma droite, le Château Pey-Bonhomme-Les-Tours 2012 des Vignobles Hubert en biodynamie en appellation Blaye-côtes-de-bordeaux.

Le Rhône est dans les starting-blocks. Il est déjà relativement prêt à tenter de me séduire dès l'ouverture de la bouteille. Le nez est d'intensité assez moyenne, mais plutôt agréable sur des fruits bien mûrs et un petit peu d'épices de la garrigue qui trahissent volontiers son origine. L'alcool est également perceptible au nez, et cette sensation sera confirmée par la bouche. C'est malheureusement souvent le petit piège dans lequel tombent une bonne part des Côtes-du-Rhône à majorité Grenache. Cependant, ce vin échappe de justesse à la lourdeur grâce à une fraîcheur acidulée qui vient soulager le palais. En rétro, l'impression fruitée se confirme plus nettement, avec un côté peu courant qui me plait me rappelant les abricots, voire les fruits secs ou les pruneaux. Les tanins sont bien enrobés. L'alcool réchauffe le gosier sur une finale rondelette, de longueur raisonnable. Un flacon à mon sens davantage tourné vers la table que vers le plaisir en solitaire. J'ai bu plus exaltant en "simple" Côtes-du-Rhône, mais c'est tout de même assez bien fichu et ça parle local, il y a du savoir-faire, et je serais curieux de découvrir les Gigondas de ce domaine si l'occasion se présente.

Ma note globale: 79/100

La belle surprise viendra de ma droite. J'ai tourné le dos aux Côtes-de-Blaye depuis un moment déjà, parce que je n'aime pas qu'on me voie faire la grimace. J'ai eu peu de chance avec cette appellation. Il est vrai que mes expériences en la matière concernent surtout des vins d'obscurs domaines consommé au restaurant, mais ce furent des échecs assez cuisants. Et pourtant, pourtant...

Cette bouteille, comme toute starlette qui se respecte, se fera attendre. Deux à trois heures seront nécessaires avant de pouvoir en profiter, et c'est après une demi-journée que je la préfère.Le nez est plus démonstratif. Je constate d'abord un côté sanguin, qui s'atténuera au fil des heures, pour laisser le champ libre à un fruit plus rouge que le vin précédent de type cerise, à du mimosa, et à des notes intéressantes de fumée, de tabac, voire de cendres d'après-barbecue. Je capte un petit air iodé aussi. J'aime. Ceci provient soit d'un apport des deux cabernets présents en mode mineur dans cette cuvée, soit d'un élevage sous bois que je trouve au passage extrêmement discret et ce n'est pas pour me déplaire.

En bouche maintenant: un vin très structuré qui s'articule autour de tanins nombreux et nerveux qui me feraient presque oublier que le merlot est majoritaire et qu'on se trouve sur la rive droite. La pointe de Malbec y est-elle pour quelque chose? (Ne jamais oublier le Malbec! ;-))
Une très belle acidité porte l'ensemble vers un peu plus de hauteur, et l'alcool est très bien intégré, ce qui donne un vin très digeste. Un peu de végétal, de poivron m'apparaît en rétro, suffisamment modéré pour ne pas bouleverser l'harmonie de l'ensemble. La finale est de belle longueur, vaguement torréfiée mais notre cerise est toujours bien présente. C'est incontestablement un vin de garde, cinq années lui feront probablement le plus grand bien même si je suis séduit par son profil actuel.

Ma note globale: 86/100

And the winner is ... nous tous, en fait!

En conclusion: Au-delà des préférences de chacun, on a là deux styles de vins bien marqués, et fidèles à leur terroir respectif. Les vins de ce premier module nous permettent vraiment de faire la différence entre un vin tannique (le Blaye) et un vin qui l'est beaucoup moins (le Roulepierre). Il existe des Rhônes tanniques et des Bordeaux souples, c'est là toute la douce perversité de l'univers de Bacchus, mais au moins ces deux vins permettent de bien cerner le concept des tanins. Le concept de consommation à plus ou moins court terme / vin à conserver est également bien esquissé. Mais le plus important, c'est le plaisir que vous pouvez retirer de cet exercice et de la consommation de ces bouteilles proprement dites.

Rendez-vous prochainement pour le deuxième volet consacré au Chardonnay(s)!