lundi 17 mars 2014

Saint-Bris 2012, blanc, Domaine Les Temps Perdus, Clotilde Davenne, Bourgogne

Ah, si seulement je pouvais trouver un matou qui pisse un tel nectar!

Je souhaite attirer votre attention aujourd'hui sur une appellation qui est encore relativement confidentielle. L'AOC Saint-Bris est née en 2003, et elle s'étend sur une petite centaine d'hectares. Le domaine des Temps Perdus quant à lui se situe dans l'Yonne, en gros entre Auxerre et Chablis. La caractéristique notable de Saint-Bris, c'est du sauvignon, en Bourgogne. Tout arrive!

Disons le tout de suite, les arômes de ce 100% sauvignon sont bien trop élégants pour y retrouver le côté "pipi de chat" souvent associé à ce cépage. Précisons également que l'élevage s'effectue en cuve pour la totalité des vins blancs du domaine.



Au premier nez, c'est très frais, les agrumes sont au première ligne: citron, pamplemousse. Une pointe de cassis effectue de timides incursions. Un soupçon d'arômes minéraux m'apparait un peu plus tard après aération. L'alcool est très peu perceptible. C'est superbe et prometteur pour la suite.

En bouche, un infirme perlant m'accueille, en compagnie d'une acidité vive mais parfaitement dosée. Ce perlant s'évapore assez rapidement. Lorsque je fais voyager le vin autour de la langue, une onctuosité gourmande s'installe progressivement. Encore un modèle de vin très équilibré. Le milieu de bouche est dense, savoureux, c'est vraiment à ce stade que je me rend compte de la qualité de cette cuvée. La finale me laisse sur une impression de fraicheur et de douceur, et elle est furieusement longue, ce qui était à prévoir. Je ne sais pas comment décrire ça précisément en mots, mais le côté bourguignon se perçoit en fin de bouche. On démarre avec des agrumes, mais on termine par ce qui ressemble à des fleurs blanches. Une sorte de fondu-enchaîné entre l'expression du cépage et celle du terroir. Du grand art! Ça me laisse penser qu'on peut le consommer aussi bien maintenant pour bien profiter du fruit, mais qu'on peut également le garder 4-5 ans pour le voir évoluer.

Je suis parfois surpris par des bouteilles que je n'attends pas, je suis parfois déçu de bouteilles dont je me réjouis, mais là, j'attendais beaucoup et j'ai reçu énormément. J'ai acheté ce vin après dégustation au printemps 2013, pour 8,10 EUR, cadeau. Clotilde Davenne produit également du sauvignon de Saint-Bris en version vieilles vignes centenaires, j'ai longuement hésité entre les deux mais, sur le moment de la dégustation et parce que j'avais d'autres achats en vue, j'ai visé le rapport qualité/prix avant tout et les 11 euros d'écart m'ont freiné. Je vous propose donc, en sus du site officiel du domaine des Temps Perdus, une vidéo de Clotilde Davenne présentant le Saint-Bris vieilles vignes 2010.

Vous trouverez également chez elle divers Chablis, et du Crémant de Bourgogne.

Une seule mauvaise nouvelle par contre, et c'est bien triste... je n'en ai plus!

Ma note globale: 93/100

mercredi 12 mars 2014

Finca la Colonia Torrontés 2013, blanc, Luján de Cuyo, Mendoza, Argentina

Suite à une bouleversante dégustation proposée par Pierre Christman ce lundi 10 mars lors d'un de ses cours d'œnologie, je n'ai pas résisté à l'envie de ramener quelques fonds de bouteille afin de vous les présenter plus en détail. Les vins argentins étaient à l'honneur lors de cette soirée, et plus précisément ceux de la Bodega Norton. Un sacré anti-virus, je vous le dit! Et des vins précis comme du cristal, puisque la famille qui possède cette maison est autrichienne, il s'agit de Swarovski.

Entamons ce voyage avec un blanc, à base du cépage local hyper-productif qu'est le Torrontés. Des rendements à l'hectare cinq à six fois supérieurs par rapport aux cépages habituels plantés en France, et pourtant une concentration aromatique admirable. Le pays d'Astor Piazzolla se trouvant dans l'hémisphère Sud, nous disposons déjà des millésimes 2013 depuis un petit moment. Cette bouteille est proposée à un prix indécent de 5,92 EUR, et elle possède une capsule à vis en guise de fermeture. Ja, ja, schroefdop!



Le nez est très expressif, d'emblée. Ce qui frappe au premier abord, c'est qu'on hume clairement de beaux raisins. Mais le floral flirte avec le fruit par la suite: œillet lilas, pointe de géranium, en compagnie d'une mandarine. Monsieur Propre m'est également apparu de manière fugace au fil de la dégustation. C'est très élégant, sans fausse note... C'est le génie de Jorge Riccitelli!

En bouche, l'attaque est douce et onctueuse, l'acidité est peu élevée. Une matière généreuse envahi le palais, on se laisse tripoter sans vergogne par les arômes décrits précédemment. On constate un petit crescendo de vivacité sur une finale raisineuse et très longue, qui nous offre un brin de fraîcheur bienvenue. L'alcool est présent mais sans excès malgré les 13,5% affichés, et enrobe parfaitement la gorgée.

Un très joli vin, qui n'est pas aisé à marier à un repas, mais qui donne beaucoup de plaisir lorsqu'il est bu pour lui-même, à l'apéro par exemple. Étant donné que c'est très aromatique, je conseille de ne pas boire ce blanc trop frais, histoire d'en profiter un maximum, histoire de s'en mettre plein la bouche. Il ne s'agit pas de le servir à la température d'un rouge complexe bien sûr, mais d'attendre un petit peu si il sort du frigo.



Cette bomba, c'est jusqu'à Courtrai qu'il faudra pédaler pour l'obtenir. De Clerck importe les vins de la maison Norton. Il y a un autre blanc à base de Torrontés qui est plus aisé à se procurer, il est proposé sous la griffe de Michel Torino, chez Colruyt. J'en ai un exemplaire, que je n'ai pas encore goûté mais qui est sans doute moins qualitatif que la Colona qui nous occupe ici-même, mais c'est une autre alternative pour faire connaissance avec ce cépage qui mérite assurément d'être découvert.

Pour prolonger cet article, je vous propose tout d'abord un lien vers le site officielde la Bodega Norton.

Ensuite, un petit papier (en anglais) consacré au magicien Jorge Riccitelli, le vinificateur maison, élu "Winemaker" de l'année 2012 par le magazine "Wine Enthousiast".

Pour terminer en beauté, une petite vidéo portrait de ce grand monsieur Riccitelli.

Ah, et j'allais oublier, voici le site internet de l'importateur de Clerck à Kortrijk, feuilletez-moi ce merveilleux catalogue, ça fait rêver!

Ma note globale: 88/100

dimanche 2 mars 2014

Les Graves de Julien 1998, rouge, Vignobles Pinaud, Bordeaux AOC

Depuis quelques semaines, j'ai l'immense privilège de déguster des trésors oubliés dans une cave à l'extrême fin du siècle dernier. Majoritairement des vins du Bordelais, de la fin des années 90. Je ne vous les présente pas individuellement parce que ce sont davantage des séances d'apprentissage et de découverte pour moi, pour tenter de décrypter les mystères du vieillissement des vins (et ils sont nombreux!), et d'autre part parce que beaucoup sont quasi introuvables aujourd'hui du moins dans les millésimes dégustés. Mais je ne peux résister à l'envie de vous parler de ceci.



Non, ce n'est pas un Graves. Non, ce n'est pas un Saint-Julien. Oui, c'est un "simple" Bordeaux AOC. Et c'est bien ça qui est extraordinaire. Il est vrai que nous sommes à Lussac, et que c'est donc en quelque sorte le second vin du château Vieux Busquet, en Lussac Saint-Emilion. Il n'empêche, ce Bordeaux n'est pas à proprement parlé conçu pour la garde. Je ne l'ai évidemment pas connu dans sa jeunesse, mais je me suis référé aux informations communiquées par les propriétaires sur leur site internet. 6-7 ans, pourquoi pas, mais 15?
Et bien... sans problème! Je procède toujours "à l'aveugle" avec ces bouteilles anciennes histoire de ne pas être influencé par une appellation. Et pour une fois il m'a été très aisé de repérer les cépages, j'avais la dominante merlot, complétée par 20% de cabernet franc et 10% de Cabernet Sauvignon. Le premier nez était légèrement sanguin, avec un brin de torréfaction, puis il s'est rapidement ouvert sur des notes de cerises assez marquées. En bouche, c'est extrêmement souple, les tanins sont tout fondus, la cerise circule allègrement et les notes végétales caractéristiques aux deux Cabernets font progressivement leur apparition pour me laisser sur une finale harmonieuse et bien longue. Un surprenant équilibre, l'acidité est modérée, l'alcool est sage et les tanins sont encore là bien que très soyeux. J'ai adoré.

Dans d'excellentes conditions, de nombreux vins ont une chance de traverser les âges et de surprendre. Et ce ne sont pas forcément ceux auxquels on s'attend. Dans ce lot magique, nous avions par exemple un Bourgogne Passe-Tout-Grains 1999 qui avait expiré, mais de peu. C'était prévu. Nous n'avons pas terminé la bouteille. Il en reste 4 ou 5 en cave, peut-être y aura-t-il un miracle pour l'une d'entre elles. Un Montagne-Saint-Émilion 1996 superbe, un grand moment, encore en pleine forme, sans réelles traces d'évolution et pourtant conservé debout! Un "Z" de Zédé 1998 acidulé mais bien portant qui pourra, peut-être, franchir le cap des 20 ans, ou encore un Fronsac buvable mais très fatigué. Mais c'est pour l'instant ce Bordeaux générique qui m'a le plus épaté. Il ne faut donc pas forcément investir dans des grands crus classés pour être charmé. On sera bien plus déçu de voir mourir un vin à 50 euros et plus. Je ne dis évidemment pas qu'il faut bouder des châteaux Palmer ou Figeac, ce serait dommage, ils offrent d'ailleurs davantage de garanties sur le long voire le très long terme, mais je dis simplement qu'il y a d'autres alternatives bien plus abordables financièrement pour se faire vraiment plaisir sur la garde.

Non, je ne suis pas prêt d'avoir percé les secrets du vin, à la bonne heure!

Le lien suivant vous mènera au Château Vieux Busquet

Ma note globale: 90/100

samedi 1 mars 2014

Bourgueil Vieilles Vignes 2011, rouge, domaine des Vallettes, Loire

Un peu de douceur dans ce monde de brut, voilà une des réflexions qui m'a traversé l'esprit au cours de la dégustation de cette bouteille. Encore un 100% Cabernet Franc de Loire, me direz-vous. C'est vrai, mais je n'y peux rien si ils ont tous quelque chose de différent à offrir. Après Chinon nous voici à Bourgueil, au domaine des Vallettes, 25 hectares aux mains de la famille Jamet depuis un bon bout de temps déjà.



Le nez est assez discret, même après avoir effectué la danse du verre. Qu'importe, la timidité n'est pas rédibitoire dans ce cas-ci, et on prendra notre temps pour lier connaissance. Il y a relativement peu de fruit, une framboise ou deux, peut-être. Par contre, on a du végétal, essentiellement du poivron vert. C'est assez net et typique du coin. J'ai pu lire ça et là que cet arôme était dû au fait que les raisins étaient récoltés avant leur pleine maturité, qui n'est pas toujours facile à atteindre étant donné le climat relativement frais par là-bas. Mais bon, à moins de ne pas aimer l'arôme de poivron, on peut en disposer ici sans les éventuels problèmes digestifs que son ingestion à bonne dose peut procurer! J'ai constaté de discrètes notes mentholées aussi, après une petite heure d'aération. Fait peu commun mais remarquable, l'élevage en barrique est tellement bien digéré que je ne le perçois même pas!

En bouche, pas de surprise du point de vue aromatique, on redécouvre la même chose, par contre au niveau de la structure c'est très rond, les tanins sont bien polis, l'acidité se font dans le décor. Très gouleyant, en somme. Ce vin passe en douce comme si il ne voulait pas vous déranger. La finale est de longueur moyenne, toujours sur ces notes végétales.



En conclusion, une brave petite bouteille qui manque un peu de confiance en elle mais qui a malgré tout une histoire à raconter, d'une voix feutrée, qui vous forcera à tendre l'oreille afin d'en capter la nature. Un passage en carafe est encouragé par le producteur, mais je n'en ai pas vu l'utilité pour ma part.

En effectuant un petit détour par le site internet du domaine, vous y trouverez également du Saint-Nicolas de Bourgueil ou des fines bulles d'Anjou.

Ma note globale: 83/100