lundi 22 septembre 2014

Mazérac 2008, Domaine de la Bouysse, rouge, Corbières-Boutenac

C'est encore une sacrée perle que j'ai l'honneur de vous proposer cette fois. Pour présenter le domaine de la Bouysse, je laisse la parole aux propriétaires par l'intermédiaire de cette vidéoet via leur site officiel, ils font ça bien mieux que moi et en toute transparence.
En ce qui concerne le nom de cette cuvée, Mazérac, je me permet de les citer: "Pour la petite histoire, Mazérac est un nom de famille à priori originaire de la Dordogne, c'est également le nom de 5 localités situés dans le Tarn, le Tarn et Garonne, la Gironde et l'Aveyron. Pourtant le Mazérac de La Bouysse est le fruit d'une invention, il est né de la contraction du nom de famille "MAZERE", ancêtres de Martine et Christophe, le "AC" étant un rappel à "Boutenac"."

Avant d'entrer dans le vif du sujet, quelques détails sur la composition de ce vin: 80% Carignan, 20% Grenache, en provenance de vignes âgées de plus de 80 ans aux rendements assez modeste. Un élevage de 12 mois en barrique parachève l'œuvre.

Si je devais résumer ce vin en un mot, ce serait: charmeur. Ce nectar veut devenir mon ami et il me le fait savoir, à travers une fraîcheur étonnante en bouche pour un vin de cette région. "Ne m'avale pas tout de suite, prolonge le contact", me prie-t-il. Et en effet, lorsqu'on fait voyager un vin autour du palais pendant une dizaine de secondes, il fini souvent par perdre un peu de son éclat, il s'aplatit, l'alcool se ressent davantage. Or ici, que nenni, je peux conserver ce vin en bouche très longtemps tout en appréciant une belle tension, de la vivacité et de très jolis arômes de fruits bien mûrs. C'est intense et poignant. La finale n'est pas en reste non plus. Elle est très, très longue, et fait saliver de manière onctueuse et gourmande sur un mélange de notes vanillées et chocolatées, arômes d'élevage que j'avais identifié auparavant au premier nez. Beaucoup de richesse tout en étant très digeste, déjà rien que ça c'est remarquable. Manière aussi de vous dire que si ce vin est clairement d'une grande finesse, il n'est pas non plus dénué de puissance.

Parlons du nez, assez typique d'un grand Corbières complexe, il propose ce que le Languedoc a de mieux à offrir en compagnie d'un élevage parfaitement maîtrisé. Derrière la vanille apparaît une compotée de fruits noirs sur une tranche de pain d'épices, des éléments floraux que je suis toujours malheureusement incapable de nommer, je capte également par moment quelques notes minérales type pierres chaudes, c'est très fugace, une tendance qui pourrait peut-être s'accentuer avec quelques années de garde en cave. Aucun problème de potentiel de ce côté-là non plus! Il est sur son 31 quasi dès l'ouverture, et reste sans un pli plusieurs heures durant. Un vin ultra-complet, je ne vois pas trop ce qu'on pourrait lui demander de plus. Je vais d'ailleurs contacter le domaine pour les remercier de ce grand moment, j'avais de bonnes vibrations concernant cette cuvée, mais vraiment pas à ce point. Je n'ai pas peur de dire qu'on touche ici aux très grands vins!

Si Boutenac est plus restreint, L'appellation Corbières est vaste, on y trouve absolument de tout en terme de qualité, j'aurai l'occasion de vous parler d'autres jolies cuvées de par là-bas. Mais si vous avez déjà croisé comme moi des Corbières imbuvables à bas prix proposés par certains restaurants peu consciencieux et que vous en gardez une mauvaise image, vous devez impérativement goûter ceci!

Oh, j'allais oublier... 11,90 euros la quille... chez WorldwideWines... Un scandale! :-)

Pour terminer, la chose n'a pas échappé à la sagacité de Michel Smith, défenseur acharné de ce bon vieux Carignan. C'est à lire ici.

Ma note globale: 96/100

Tannat Viejo 2007, H. Stagnari, rouge, Uruguay

Une petite vidéopour se mettre dans l'ambiance?

Mettons le cap vers un pays de l'hémisphère Sud pour un mini-trip en Uruguay. La bodega Stagnari se situe dans la région de Salto, pas très loin de la frontière avec l'Argentine, si je ne m'abuse. Après des études d'œnologie en France, Hector Stagnari revient au pays en emportant dans ses bagages des clones de tannat en provenance de Madiran. Ce cépage est assez populaire dans ces pays d'Amérique du Sud, en Uruguay évidemment mais aussi au Brésil, par exemple. Il commence même à faire une percée en Argentine sans toutefois encore concurrencer le Malbec. Le domaine produit un très grand nombre de cuvées, des rouges, des blancs, ainsi que des bulles qu'ils qualifient de champagne sur leur site internet, mais heureusement pour eux, pas sur leurs étiquettes. ;-) Déjà très respecté sur le plan mondial, la maison est assez fière de cette reconnaissance et le fait savoir sur ses bouteilles, comme vous pouvez le constater.


Le nez est moyennement expressif, sur des notes intrigantes de chocolat, chocolat au lait je dirais même, de figues et de plantes que je ne saurais nommer. Peu de fruit, même à l'agitation, par contre il apparaîtra nettement sous forme de fraises en bouche en rétro-olfaction, de manière assez éclatante après quelques heures d'aération.
La bouche, parlons-en, propose une attaque assez douce, l'acidité est perceptible mais modeste. Le milieu de bouche révèle une étonnante profondeur, comme si le nectar choisissait de se décomplexer totalement après avoir fait montre d'une certaine réserve dans un premier temps, genre "j'me lance, allez, tant pis!" Du coup, ça envoie pas mal de matière, les tannins sont bien présents mais vraiment très enrobés, presque caressants. La finale est d'une très belle longueur, à nouveau sur cette amertume chocolatée. Un rouge qui affrontera sans trembler une bonne pièce de viande goûtue même si elle est bien relevée (vous me voyez venir avec mon bœuf argentin, ou brésilien, au poivre noir?) L'équilibre est tel qu'on en oublierait presque les 14,quelques% d'alcool.



Un vin étonnant, et original, très bien fait. Typicité et complexité, ce sont de sacrés bons points en sa faveur. Costaud sans être brut, puissant sans être rugueux. En pleine forme après 7 ans. Le prix de 14 euros pour une bouteille si exotique me semble plus que raisonnable! J'ai goûté trop peu de madirans pour tenter une comparaison avec un 100% tannat français, et il s'agit de mon premier vin uruguayen. Je peux juste vous dire que c'est bon en tant que tel, et à tester si vous êtes curieux, ça vaut franchement la peine!

Si il en reste, vous en trouverez chez Worldwidewines, où Manu de Rijcke propose un tour du monde vinicole en bouteilles très pertinent.

Et tant que j'y suis, je vous propose un lien vers le site de la bodega.

Ma note globale: 87/100

mercredi 10 septembre 2014

Savigny-Les-Beaune 2010, rouge, domaine Jacob-Mauclair, Bourgogne

Offrons-nous encore un petit intermède en Bourgogne, si vous le voulez bien. C'est lors du salon à Remouchamps que j'ai flashé pour celui-ci. Non, tout n'est pas forcément hors de prix dans cette charmante région. Nous sommes ici davantage dans la catégorie des vins, si pas de tous les jours, disons de la semaine. Nous tournons autour de 10 euros la bouteille, great value for the money! On remarquera l'aval sous forme de médaille des Chevaliers du Tastevin, si c'est pas beau, ça!



Un nez assez réservé, pas très bavard même après agitation, plus vineux que le Nuits-saint-Georges précédemment évoqué, moins complexe et moins élégant mais il y a tout de même du fruit rouge qui émerge, la cerise surtout, rejointe par de la myrtille après une bonne heure d'aération.

En bouche, une acidité assez marquée qui porte joliment un jus très épuré, une impression de légèreté et de souplesse tout autour du palais, les tannins sont relativement peu nombreux et bien disciplinés, l'alcool est ressenti un peu plus lors d'une finale tonique d'une longueur assez surprenante, sur une cerise bien juteuse. Ça pinote à donf et c'est tout en crescendo!

Un vin généreux avec beaucoup de caractère, qui ne cherche pas à jouer au plus fin mais qui me donne beaucoup de plaisir et qui se boit goulument. Il n'est pas reconnaissable entre milles à mon avis, mais se débrouille bien pour représenter très correctement ce qu'on peut attendre de l'appellation Savigny-lès-Beaune.

Il ne semble pas y avoir de site officiel pour ce domaine assez discret sur internet, je vous renvoie donc à leurs coordonnées. Mais vous les retrouverez probablement au salon des vins de Remouchamps au printemps 2015. ;-)

Ma note globale: 85/100

samedi 6 septembre 2014

Nuits-Saint-Georges Premier Cru 2006, rouge, Domaine Michel Gros, Bourgogne

J'aime voyager le temps d'une bouteille à travers des zones viticoles méconnues, toujours en recherche de nouvelles sensations. Mais j'ai bien évidemment des ports d'attache, des fils rouges en quelque sorte, et la Bourgogne en fait partie. D'autant plus que c'est dans cette région (Beaune, Rully, Meursault...) que j'ai effectué mon premier réel voyage oenotouristique cette année, quatre jours de mai en immersion totale dans le monde du vin. Enfin totale, pas tout à fait, j'ai échappé au pigeage à la bourguignonne. ;-) Visite de plusieurs domaines, d'une tonnellerie, d'un magasin d'article viticole, accords mets/vins avec la gastronomie locale... Une organisation aux petits oignons orchestrée par notre prof oenologue Pierre Christman. Bref, un rêve éveillé!

La première visite s'est déroulée dans les installations du domaine Michel Gros, à Vosne-Romanée. La famille Gros, présente depuis plusieurs générations dans la région, a vu ses propriétés s'étendrent, jusqu'à se décliner sur quatre domaines autonomes aujourd'hui, ce qui peut prêter à confusion. Le plus connu étant certainement le domaine Anne Gros, il y a également les domaines Gros frères et soeurs à Pomard et le domaine Anne-Françoise Gros. La galère pour s'y retrouver, surtout que la Bourgogne étant de taille modeste, on identifie des vins en diverses appellations pour chaque domaine. A se demander comment les vendangeurs se débrouillent pour ne pas récolter les raisins du voisin. ;-)

La visite fut aussi instructive que goûtue! Des vins d'une qualité remarquable, d'une grande finesse, sans exception. Des nez vraiment très réussi, j'ai souvent comparé ce vigneron à un parfumeur en dégustant les échantillons qui nous ont été présentés au caveau. La particularité du domaine, c'est un monopole en Vosne-Romanée Premier Cru, le Clos des Réas. Mais c'est sur du très lourd que j'ai craqué en terme d'achat, ce Nuits-Saint-Georges m'est apparu d'une profondeur extrême et d'une grande puissance. Il s'agit d'un premier cru dont la parcelle n'est pas indiquée sur la bouteille, tout simplement parce qu'il y en a deux: Les Vignerondes et Les Murgers. Le tout sur 0.27 hectares, ce qui doit donner bien peu de bouteilles par an.



Au nez, c'est tout d'abord un peu citronné, un peu poivré aussi, avant de laisser apparaître un cocktail de fruits dominé par la myrtille et la framboise. Un nez captivant comme tout bourgogne qui se respecte, complexe et harmonieux, un ensemble si bien fondu qu'il n'est pas aisé d'identifier chaque composant séparément. Le bois est encore perceptible, mais de manière subtile pour apporter un peu d'épices à ce bouquet parfumé. Expressif et avenant quasi dès l'ouverture de la bouteille, j'aime!
Mais c'est surtout pour la bouche et sa structure stratosphérique que j'avais craqué lors de la dégustation in situ, et je suis un peu frustré au premier verre de ce côté-là. La matière y est, aucun doute là-dessus, une belle acidité bien dosée tout du long, et des tannins en nombre records, le vin se mâche presque. Jamais expérimenté ça sur un pinot noir. L'alcool est présent aussi sans en faire trop. Bref tout le monde est là mais de petits groupes se forment et ils papotent chacun dans leur coin plutôt que de tenir un discours uni. Une matière énorme donc, sans être envahissante pour autant, ça reste très savoureux. La finale est d'une longueur impressionante, toujours à dominante de fruits noirs. Le genre de vin qu'on boit lentement et avec attention, qu'on admire, qu'on respecte, qu'on vénère presque. Je suis juste un peu triste de ne pas avoir à nouveau ressenti cette magie, cette symbiose parfaite qui m'avais fait décoller du sol là-bas. L'enthousiasme d'être sur place? Je ne pense pas. Un voyage qui aurait un peu perturbé ce fragile équilibre? Peut-être. L'acidité me semblait un peu plus importante lors de ma première rencontre avec ce vin, c'est peut-être elle qui dynamisait et coordonnait l'ensemble. Je ne sais pas. Mais quoi qu'il en soit, ça reste une bouteille exceptionelle. Elle n'a pas bougé d'un poil sur deux jours ce qui m'a laissé tout le temps de l'ausculter en long et en large.

Le meilleur moyen de vous procurer cette potion magique, c'est d'aller sur place. Vous y serez assurément bien reçu. Vous trouverez les coordonnées sur le site internet de la propriété en cliquant ici

La gamme est très vaste, on y trouve des vins à prix plus doux mais pour celui-ci il vous faudra débourser environ 46 euros, ce qui est relativement raisonnable pour du premier cru en Nuits-Saint-Georges!

Ma note globale: 92/100