mercredi 12 août 2015

Kayra Vintage Okuzgozu Single Vineyard 2010, rouge, Daniel O'Donnell, Turquie

(dégustation aux environs du 20 mars, en lien avec un autre vin de ce cépage évoqué précédemment sur ce blog.)

Une multitude de signes extérieurs semblent démontrer un niveau plus élevé sur cette cuvée que l'on pourrait qualifier de parcellaire, en tout cas elle provient d'un seul vignoble alors que les cuvées de base de ces producteurs conséquents sont généralement le résultat d'assemblages de leurs divers sites de production. 12.000 cols sur le marché, bouteille plus massive, bouchon un poil plus long, étiquette travaillée, prix doublé... poudre aux yeux ou réelle implication? La réponse dans le verre!

Le premier nez est très boisé. Et là il y a du vut nouveau, ça ne fait aucun doute. Je capte un soupçon de truffe, et la gamme épicée que j'avais rencontré dans le premier vin est ici plus nette, plus franche. Les fruits noirs sont tapis dans l'ombre, une forte agitation les trahira, mais au contraire du 2012 je suis presque certain qu'ils vont se dérider au fil du temps.
En bouche, je retrouve des sensations similaires avec une acidité avenante, un alcool toujours aussi bien intégré malgré le degré supplémentaire affiché (14%), c'est par contre bien plus tannique. Un beau grain, toutefois. Pour rester dans le cliché italien, celui-ci est plutôt en mode super-toscan. Bien plus costaud tout en gardant ce côté enjoué qui est, je pense, la signature de l'okuzgozu. La cerise fait son show de manière un peu plus affirmée en rétro vers la fin de bouche.
La finale est d'une longueur épatante (merci le bois).

Quelques heures d'attente vont le libérer totalement. Le nez s'offre sans consession, il est tonitruant sur un mélange de fruits entre framboises et myrtilles séchées. En bouche, les adjectifs anglais "full-bodied" et "chewy" semblent convenir à la perfection. En effet, c'est assez massif, beaucoup de matière qu'on a presque l'impression de pouvoir croquer. Je crois qu'on est clairement ici sur un vin de "winemaker", de cave et d'élevage plutôt que sur un vin purement de terroir, bien que la qualité du raisin y soit pour quelque chose. Il y a de la place dans mon coeur pour ce genre de vins aussi, tant que le dit winemaker ne sévit pas aux quatre coins de la planète et que son style a une véritable personnalité, ce qui est évidemment le cas avec cet Öküzgözü.

On a ici un potentiel de garde bien plus important, on pourrait probablement se laisser surprenddre en proposant ce 2010 dans 7 à 8 ans. Aux environs de 24 euros, c'est une bien belle affaire malgré tout, il faudra débourser double à triple dans les régions prisées pour un niveau équivalent.

Ma note globale: 92/100

Charles Cicéron Sauvignon Blanc 2009, domaines Auriol, IGP Pays d'Oc

(Dégustation aux environs du premier juillet)

Un petit blanc pas compliqué pour se raffraîchir en cette période ultra-ensoleillée que nous connaissons en ce début d'été? Cette bouteille a rempli le contrat, mais pas que, parce qu'elle va s'avérer plus complète. Les blancs secs de Gascogne me plaisent mieux en général dans ces circonstances, mais puisqu'il faut sans cesse élargir ses horizons...

Il s'agit d'une cuvée "plaisir" proposée par les domaines Auriol, une sorte de regroupement de domaines familiaux basés dans le Languedoc et le Rhône Méridional. Production, négoce, c'est un ensemble dynamique qui pèse aisément pour 10 millions de cols par an, avec une forte tendance à l'export, ce qui devrait vous faciliter la vie pour trouver cette référence contrairement à certaines micro-cuvées que je vous ai présenté ici. La propriété qui nous occupe plus particulièrement aujourd'hui, c'est le château Cicéron.

Ce qui m'a plu au-delà du vin en lui-même, c'est la relative transparence sur l'élaboration de ce mono-cépage en Pays d'Oc. Site web clair et précis, qui indique notamment que les rendements sont de l'ordre de 70 hl/ha tout de même ou qu'un ajout de levures peut avoir lieu pour faciliter l'extraction des composants aromatiques lors de la vinification. Pas d'élevage sous bois non plus pour cette gamme de vins "plaisir". Les propriétaires conseillent également de boire ce vin dans l'année qui suit la mise en bouteille. Ce serait trop simple, cependant... Voyons plutôt si cette quille en a encore dans le ventre après six ans!

La réponse est un franc oui, merci probablement à la capsule à vis. On a toujours une pointe d'agrumes au premier nez, mais à l'agitation je retrouve surtout des fruits plus exotiques et tropicaux, la mangue notamment, ainsi que de fugaces notes minérales type pierre chauffée au soleil. Pas spécialement de bourgeon de cassis ou de notes végétales comme on pourrait s'attendre à en trouver dans les sauvignons de Loire, par exemple. La bouche offre un très léger perlant, ce qui compense une acidité un poil faible, un joli gras en milieu de bouche et la finale est de longueur correcte, avec toutefois quelque chose qui me perturbe autour de l'alcool, non que ce soit un vin costaud, que du contraire, mais l'impression qu'il a tout de même un peu de mal à se fondre dans le décor, ce qui, si on est un brin maniaque, gâche quelque peu l'harmonie finale. C'est toutefois loin d'être un vin dilué, et sa tenue en bouteille dans le temps m'a agréablement surpris, c'est ce qui m'a amené à vous en parler. Sans en faire des tonnes, ce jus se laisse boire tranquillement pour lui-même en terrasse, sans pousser à la grimace, ne boudons pas ces petits plaisirs de la vie! Aux alentours de 5 euros, c'est raisonnable, et un millésime plus récent devrait proposer une pointe de fraîcheur supplémentaire.

Pour terminer, quelques mots sur le fond de la bouteille deux jours plus tard après avoir été revissée et mise au fridge: Le perlant est affaire du passé, le nez est plus timide mais sans trace d'oxydation, une bonne part du fruit s'en est allé, seul le citron fait de la résistance, laissant plus de place aux accents minéraux, la finale est plus saline. Peut-être moins de plaisir immédiat, mais je le trouve plus épuré, je me sens plus en phase avec le cépage, il a toujours une tenue qui me surprend, il accompagnerait mieux les crustacés en l'état que sous sa forme initiale. La capsule à vis marque encore des points en ce qui me concerne.

Ma note globale: 83/100

Trévallon 2004, rouge, Eloi Dürrbach, VDP des Bouches-du-Rhône

(Dégustation entamée aux alentours du 2 juillet)

Quel amateur de vin un tant soit peu curieux n'a pas, sinon goûté, au moins entendu parler de Trévallon? Des vins qui ont forcé le respect et l'admiration de tous sans succomber aux sirènes d'une appellation d'origine contrôlée. Je n'ai pas besoin de présenter ce temple du cabernet sauvignon en Provence, surtout que le site officiel en est un merveilleux porte-parole. J'y ai enfin goûté, et c'est le millésime 2004 que je me suis offert. A l'ouverture, le vin est d'une extrême jeunesse encore, épatant. L'élevage a eu le temps de se fondre sans doute, mais il est très peu perceptible. Au nez, on a cette complexité qui s'offre sans se cacher que j'aime tant dans les vins des Baux de Provence. Beaucoup d'épices, un peu de végétal, de mine de crayon, une pointe de fruits sauvages également, encore fort discrète à ce stade. Les notes florales sont par contre très évidentes, à dominante suave mais je ne peux pas placer un mot dessus. C'est sophistiqué, sans être exubérant, j'aime beaucoup. En bouche, la première chose qui m'interpelle c'est cette acidité vive et soutenue, que j'ai rarement rencontré dans ces contrées. Elle soutient le vin de manière dynamique mais sans agressivité. Ensuite arrivent des tanins qui sont plutôt fins, mais encore assez serrés à ce stade, ce qui rend le jus un poil astringeant lorsqu'il est bu seul. Et cela après une dizaine d'années, rendez-vous compte. Ce n'est pas une légende, ce rouge est un chef de file en terme de vin de garde. L'alcool est quant à lui merveilleusement intégré, je n'y ai quasi jamais pensé tout au long de la dégustation.
Le lendemain, non seulement le nectar n'a rien perdu, mais il est bien meilleur! Les fruits noirs sauvages sont maintenant plus dominants ce qui renforce le cocktail olfactif, les épices dévoilent davantage de muscade ce qui n'est pas courant, et les tanins se sont déliés, pour donner une bouche fluide et veloutée. La finale est d'une beauté renversante, très persistante au cours de laquelle les différents arômes se croisent. Même si c'est 50% syrah, 50% Cabernet Sauvignon, j'ai plutôt l'impression que le second prend les commandes, la Syrah jouant le rôle d'accompagnateur en retrait. C'est un très beau vin, travaillé de main de maître, qui vaut son pesant de cacahuètes. Et il faudra en aligner quelques-unes tout de même, ces flacons pouvant atteindre 40, 45 euros, ils ont tendance à prendre de la valeur avec l'âge, donc si vous avez une très bonne cave et que vous vous sentez l'âme d'un investisseur, ne négligez pas cette merveille, en sachant que vous en tirerez bien plus de plaisir en le sirotant. Ce 2004 devrait se livrer totalement d'ici 5 à 6 ans probablement. En tout cas, la flamme n'est pas prête de s'éteindre. J'ai passé un très bon moment, et je pense que mon bonheur aurait été complet si j'avais ressenti un peu plus de tonus, d'énergie en bouche. Cette bouteille, en tout cas sur ce millésime, joue davantage la carte de la finesse, et il en faut!

Ma note globale: 93/100

lundi 10 août 2015

Résurrection!

Non, je ne vous ai pas oubliés... loin de là! Mais voilà une éternité que j'étais dans l'impossibilité de poster mes articles. Tout d'abord parce que je suis parti vadrouiller en Italie, en Toscane et dans la Valtellina. J'ai évidemment visité des domaines là-bas et ramené quelques bouteilles que je vous présenterai ici. Au retour de ce magnifique voyage, mon afficheur braille a rendu l'âme, et sa réparation a pris un temps infini. Je viens à peine de le récupérer la semaine dernière. Le temps de remettre un peu d'ordres dans mes notes, et je reposterai au fur et à mesure mes impression sur les vins dégustés ces derniers mois. Désolé pour cette interruption, je vous donne rendez-vous mercredi, nous parlerons un peu de Trévalon histoire de marquer le coup pour la reprise.