mercredi 19 février 2014

Chinoiseries vineuses

Ah, le vin dans les restaurants chinois... tout un art! Je vais vous relater dans cet article l'aventure qui m'est arrivée hier soir avec la bouteille qui a accompagné notre fondue.

Vous le savez certainement, la carte des vins dans les restaurants asiatiques de la région nous laisse souvent l'embarras du choix, voire dans l'embarras tout court. On y trouve de tout, un tas d'appellations, mais souvent sans aucune précision concernant le domaine ou le millésime. Le nom du vigneron? Allons, allons... n'y pensez même pas! C'est un peu comme si, sur la carte des desserts, on vous laissait le choix entre gâteau, glace ou tarte. Kèk'ya d'dans? Kinder surprise!

J'avais des envies de Bourgogne en cette fin de mardi. Il n'y avait que deux possibilités dans le budget que je m'étais fixé, un pinot noir vieilles vignes, ou un Passe-Tout-Grains. Connaissant moins bien les PTG, et en sachant qu'il était proposé à 18,90E, deux euros de moins que le Pinot, je me suis rué sur ce second choix.
L'apéro englouti et le plateau de krupuk sérieusement malmené, il est temps pour la serveuse d'apporter le col. Je goûte, et ça commence mal. Un peu mal à l'aise, mais sûr de mon fait, je constate un vilain goût de bouchon. Je demande tout de même l'avis de ma compagne à table, avant de gentiment remballer la bouteille, c'était imbuvable. On est pas là pour se rendre malade. Ce sont des choses qui arrivent, et la serveuse ne fait aucune histoire.



Puisque je suis têtu, je reste vissé sur mon Passe-Tout-Grains et je redemande la même chose en remplacement. C'est à ce moment-là que j'apprends qu'on est sur du 2002. Onze ans de vol, le pépère. Quand on sait qu'en général, ces Bourgognes légers sont à consommer jeunes, dans les 2-3 ans, on pourrait paniquer. Mais puisque je me fiche pas mal des stéréotypes, je me réjouis de cette chance qui m'est offerte, celle de décortiquer un ancêtre...

Premier soulagement, la bouteille est clean cette fois. Au nez, ça sent l'antiquaire: la terre, la cave, la poussière, le champignon, vaguement. Je vous jure que ce n'était pourtant pas désagréable. Le vin était juste très, très fermé. En bouche, premières gorgées, on a tout d'abord un rappel de ce qu'on vient de humer. "Pas top". Ensuite, on constate une acidité assez forte. "Si c'est du vinaigre, c'est du bon!" Il y a de la matière, une certaine charpente qui se dessine petit à petit. En mâchant le vin, plusieurs secondes, les notes de fruits commencent à poindre. Ces notes de cerise prennent pleinement le contrôle en fin de bouche. "Sympa!" Finale courte.



Donc, en résumé, si on se contente de boire simplement, qu'on avale rapidement ses lampées, on trouvera ça assez moche, voire passé. En revanche, si on fait tourner en bouche, on va tranquillement réveiller le fruit pour profiter des caractéristiques du Pinot Noir saupoudré de Gamay. A 10-15 secondes la gorgée, ce vieux Passe-Tout-Grains n'est pas pour les gens pressés. Ça tombe bien, je mange très lentement. Et j'en suis récompensé. Le vin ne va pas cesser de s'ouvrir tout au long du repas. A chaque verre, le temps nécessaire pour appeler la cerise diminue, la finale s'allonge, le nez devient plus aéré, plus franc, presque sexy. Il aura fallu deux heures pour que ce vin me livre tous ses secrets. Si j'avais su, j'aurais demandé à ce qu'on me le carafe.
Ce n'est pas un grand vin en définitive, et il était certainement très différent dix ans plus tôt, mais le fait d'avoir pris le temps de communiquer avec lui me l'a fait apprécier pleinement, et c'est ce qui compte.

Une bien belle expérience, en tout cas. Aucun regret. Je n'ai aucune information sur l'état sanitaire de la cave du restaurant, et étant donné la première bouteille bouchonnée, on peut penser que ces flacons n'ont pas été conservées de façon optimale, et donc qu'il doit y avoir des différences assez marquées d'une bouteille à l'autre, pour ceux qui voudraient tenter l'aventure au China Town, à Verviers, place verte. Très bonne fondue chinoise, soit dit en passant. Ce sera toujours ça de pris si vous n'avez pas la même chance que moi au tirage!

Pas de note globale cette fois. Je suis totalement incapable de noter ce flacon. Tantôt 51, tantôt 75, selon que je pense à l'analyse organoleptique ou au plaisir éprouvé. La vérité se situe sans doute au milieu.
Pas de site non plus à vous proposer, le domaine semble avoir disparu de la circulation!

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